Month: juillet, 2006

Today has been okay

Ça se dit communément, « il y a des jours comme ça, où tout est suffisant ».

Voilà, je viens de survivre à un instant merveilleux : mais pourquoi dire adieu à un régal aussi délicieux ?
J’avais envie de frapper des lignes pour la seule personne capable de me gâter mes malheurs : cette nuit, une boîte à chaussures a aspiré mon souffle. Mon souffle, souffle-souffle, j’en ai abîmé ma voix, j’en ai égaré ce que je souhaitais te raconter. Tout ce que tu m’as envoyée a pointé du doigt mes péchés mignons, mes coquetteries, mes tares, mes envies que je ne t’ai jamais formulées car elles n’avaient pas même de réalité pour moi. Et toi, dans ta boîte à chaussures, tu leur as donné une forme : qui t’es toi ?

Une forme que je peux enfiler, une forme dans laquelle je glisse et j’échappe aux échardes. J’évite toutes les Dorn du monde et je sais qu’il ne me suffirait que d’un cintre pour imiter Led Zeppelin, de deux pinces à linge ballotant à mes lobes, et d’un haut-parleur derrière moi pour chanter et rire en yaourt, tout cet attirail pour parachever ces chochos.

J’avais faim, tu m’as nourrie.
J’avais froid, tu m’as donnée de quoi me réchauffer les plantes.
J’avais soif, tu m’as compilée des sons qui m’ont désaltérée.
Je l’avais égaré, tu m’as retrouvé ce livre.
J’avais hâte, tu as anticipé. Mais surtout, j’étais sèche.

J’ai souvent le sentiment qui s’accomplit d’être aride, un bac à sable où s’amuse à remplir ses seaux une cohue. Et je les aide, je suis là quelques fois à creuser et fouiller la dune pour alourdir leurs seaux, toi aussi, j’ai souvent envie de le faire déborder. Et je toise à travers mes yeux, et je pense que mon seau est à l’intérieur. Mais je me borne à ce qu’abritent mes paupières, sans pouvoir les retourner pour scruter à l’envers, pour dévisager l’intérieur, pour tirer mon seau et l’enfoncer sur la plage et le remplir avec le monde qui joue. Même les prudents s’écorchent sur cette parcelle de grève, et je me demande quand je pourrai remplir mon seau, quand j’aurai un seau. C’est pas que ça m’embête.
Plus les temps me passent dessus, moins mon moral souffre de failles, moins le quotidien me contrarie, plus j’explose curieusement dans les salles brunes.

Ce soir, j’étais tarie et tu m’as épongée.
Linoleum Roses a été mon battement de cœur, c’est un arc-en-ciel si pur qu’il se mouille dans le limon sans perdre de son éclat. Il est trop court, trop interminable, il m’a assaillie de dépourvu et enfin, il m’a entamée.

Quand tout ça me gagne, quand je reçois ma chance, j’ai l’envie de me trancher un peu plus du reste terrestre parce que je n’ai besoin de rien ; et que cette boîte à chaussures, c’est juste mon seau et tu es du sable qui ne doit pas se désagréger mais demeurer bien soudé.
Parce qu’il faudrait que tu deviennes un grand château,
comme sur les cartes postales.

7/7 A dada sur mon bidet

Dadaïsme en mode notes, parce que les ponts entre les blogs, ça devient tendance (private jokes s’avérant peu viables au long terme – constat extérieur), voilà de quoi agrémenter la vidéo mémorable d’une certaine collaboratrice (d’ailleurs bon appétit bibi ;-) tu dois être en train de te faire péter la panse chez les aieux) dont j’ai promis le courrier pour hier et qui connaît (le courrier) un petit détour par de très sympathiques côtes parisiennes (d’autant plus bienheureux de parvenir à tes domaines qu’il aura vu du pays avant d’être embarqué dans les engins tout jaunes)…
Et le mode notes, parce qu’il était pas tôt au post précédent, et dans la lignée des heures où j’ai enfoncé les touches, il est donc logiquement encore plus tard, et mes articulations toujours moins véloces…

« Tout ce qui était utile va tendre à devenir beau, ce qui était beau, à devenir. » Après la guerre, la jeune génération est éprise d’un furieux désir de vivre.
Cocteau « habitait au milieu d’hommes d’autrefois ; il en était même arrivé à ne plus regarder le monde qu’à travers les Ancêtres. »
Le monde cesse alors d’appartenir au vieux, on réclame du frais, du neuf, du remue-ménage.
Ainsi, voilà qu’apparaît le neveu de Gide, Marc Allégret, en compagnie de Man Ray en tant qu’assistants de Marcel Duchamp (l’homme à la pissotière qui m’avait traumatisée, avant qu’Al’ me fasse découvrir des travaux plus plaisants (tout est relatif, n’oublions pas) comme cette série de tableaux voyeurs).

Le tableau de Breton, ex-médecin militaire : « cette superposition de lignes noires dues à Picabia et marquée par l’inscription « Bas » en haut, et « Haut » en bas était recouverte de lettres rouges – L.H.O.O.Q. – (eh oui, avant d’être une chanson de Brassens…) »
Une des références de Dada : les loufoqueries agressives de Satie.

Or, pour la première fois, un mouvement s’en prenait ouvertement à la sensibilité et à la beauté, à la raison et au progrès, à la psychologie et au langage, à la tradition comme au rêve.

Exemple de dérive : « gadji beri bimba glandridi lauta lonni cadori gadjama berida bimbala glandri » ou pastiche au sein de L’anthologie Dada « Ticla notre âge d’or Pipe Carnot Joffre / J’offre à toute personne ayant des névralgies, / Girafe Noce un bonjour de Gustave / Ave maria de Gounod Rosière »

Et le Bulletin Dada lui-même claironne : « Vous ne comprenez pas, n’est-ce pas, ce que nous faisons ? Eh bien, chers amis, nous le comprenons encore moins. »

Note pour plus tard encore : ordonner ce post pour un socle minimal de compréhension, tout particulièrement pour toi brave fille un peu flapie.

Tzara écrit le Manifeste dada.

Et moi, je pars dans ma couette.

I had a dream

Les rêves.
Comment se fait un rêve ?
Après un réveil brusque, remballons la pelote pour la reposer et la laisser rouler. Roulons paresse.

Allongée sur le matelas, j’aimerais m’endormir. Je me demande encore combien de temps il va falloir patienter pour se laisser couler au sommeil. Attente, assez longue, je réfléchis à des choses et à d’autres. Penser à faire ceci, car je ne veux pas qu’il m’arrive cela.
Et tout d’un coup, immergeant d’un nulle part de sol terrestre, quelqu’un, une ombre, une silhouette impossible à découper me prend par surprise et m’effraie extrêmement.

Je me réveille.

Je le sais à l’instant où le sursaut est encore dans ma bouche, je viens de me réveiller. Je ne dormais pas, et pour la première fois, je me souviens distinctement que je pensais être réveillée et de quoi j’occupais mes pensées en attendant la nuit cérébrale.

Je me considérais comme désavantagée sur une liste d’attente interminable pour rejoindre les contrées aguichantes de Morphée, j’y faisais en réalité la fête comme personne. Mais ainsi, quelque chose d’extraordinaire m’a été permis : me souvenir avec exactitude de quoi était fait mon rêve.

Je regrette de ne pas m’être jetée dans l’immédiat sur l’une des feuilles volantes recyclables bleues, tenues au meuble par un gros coquillage : à présent, seules des bribes des réflexions que je me suis faites s’en souviennent.

Dans ce rêve, les images n’étaient absolument pas réalistes : je me pensais en train d’attendre le marchand de sable, et les images qui me traversaient étaient exactement comme celles qui vous traversent lorsque vous êtes conscients et les yeux clos. Elles sont cérébrales ; vous savez ce qui figure dans vos images mais vous ne le voyez pas avec les yeux, et comment le pourriez-vous les yeux clos ? Seule votre mémoire vous permet de retracer des tableaux visuels.

Pas d’image donc, seules des évocations en partance de l’encéphale. Ou du moins, pas d’image réaliste : mais tout à son encontre, une chose l’était certainement. L’impatience aux allures véritables que j’éprouvais, la lassitude puis la peur soudaine, tous ces sentiments étaient vraisemblablement très réalistes. Pas réels, mais réalistes. Pas réels ? En réalité, il est malaisé de l’avancer…

Souvenez-vous, on en a souvent conversé : parfois il nous arrive d’être soudainement réveillé en ayant l’impression de tomber, tomber, tomber… Alors on se raccroche immédiatement aux rebords de la couette pour éviter une chute fatale du nid lorsque l’on se rend finalement compte qu’on est bel et bien installé en son beau milieu : on se tient la main au cœur, l’impression était trompeuse.

6/7 Le temps rattrapé

Je m’attache à rouvrir la biographie quelques chapitres précédant l’halte molle de mon marque-page quand je réalise déjà deux messages gambergeant leur sens et patientant une ultime reconquête pour une satisfaction plus que fluctuante au gré des relectures…
Je convoitais des allusions en images d’êtres et de gens pour une guinguette de ma liste verte, mais trois chapitres à annoter me font reporter.
Je l’ai signifié et le mime encore avec des lettres – quand la technologie virtuelle du pantomime m’escorterait gentiment devant une webcam pour patiemment m’exposer ses fonctionnalités et ses principales polémiques spécialement liées au commode et complaisant exhibitionnisme (mais tout autant un moyen sympa de communication et l’exutoire le moins dangereux pour évacuer ses importants excédents de narcissisme), l’enquête se réduit peu à peu à d’éparses allusions à l’antiquité, et d’autres expressions troublantes.

Ainsi, relevé d’une étonnante anecdote au cours de laquelle est rapporté Cocteau : au pendant de la première guerre, « Cendrars le découvrit une nuit, couché au pied de l’obélisque de la Concorde, lors d’un bombardement de la Grosse Bertha, en train de composer une sonate « pour la pharaonne qui est enterrée là-dessous ».

À la fois « romanichel de l’apocalypse » sur des champs en batailles, renard se faufilant dessous les crans d’une échelle de grand huit parcourant les mouvements littéraires au travers des années qui s’enchaînent, toujours nomade et plus intégré dans le monastère mondain que cette nonne pourtant bien pieuse. Comment ne pas se ligoter à ce spectre qui lie cet entier témoignage, à moins de lire les paupières closes…

Au détour, voilà qu’on apprend qu’Apollinaire, déjà décédé, a laissé des Mamelles de Tirésias qui excitent la curiosité, comme celles d’une jeune biche un petit faon, tandis que Satie compose une Vie de Socrate, et que j’avais omis l’appellation éloquente des éditions de la Sirène.

L’heure est bien à la traîtrise ! La lassitude, ou tout simplement à l’évolution : le bagage antique est jeté à la mer et peu à peu, le rivage change ses formes pour mieux convenir aux assauts d’une mer de nouveau neuve :

Ces inventions techniques [cf. la tour Eiffel] trouvent alors une pleine reconnaissance et plastique à mesure que l’art s’éloigne des exigences apolliniennes de clarté et d’harmonie héritées de la Grèce

On ne s’en éloigne que pour se rapprocher du (néo) classicisme, pour mettre en avant le chaos, la dissymétrie, la laideur, la vitesse et la folie – toutes vertus dionysiaques. Le pré dadaïsme est un stade quasiment dépassé.
Cet éloignement permet un répit de plus en plus long, qui me fera rabattre temporairement les investigations sur le prochain mouvement qui éjectera définitivement l’ancien, soit le dada show.
Alors puisque le vrac est à l’honneur dans ce post, puisque le vrac fait craquer mes tiroirs à raisonnements, alors voici un relevé de ce même chapitre : parfois vous trébuchez sur des suites syllabiques qui vous incitent à déclarer votre lecture en suspension, afin de saisir un surligneur. Souvent nombre de syllabes à vous flottent dans un espace incertain et indiscernable de votre tête, à la recherche de remarques à formuler, mais souvent ces syllabes ne décèlent jamais bouche pour s’en sortir. Voilà pourquoi voici quelques unes de ces suites, avec plus ou moins de commentaires, pour un peu d’amour du mot, et beaucoup d’absence de sens.

Les phrases notoires de ces chapitres, issues tout d’abord du bec de Cocteau :

Il n’y a pas de précurseur, il n’y a que des retardataires.

Fameuse phrase, suite à la mise en place, semée d’embûches, du ballet Parade, et rencontrant l’incompréhension ou la déception de certains spectateurs et critiques.

La poésie est une religion sans espoir.

Même si. Je crèverai d’en être adepte.

Extrait du Potomak : « il était une fois un caméléon. Son maître, pour lui tenir chaud, le déposa sur un plaid écossais bariolé. Le caméléon mourut de fatigue. »
Gare aux excès, voilà une fable excellente prévalant pour les festins de réveillons…

L’étrange alchimie identitaire de Cocteau, à propos de Parade pour qui il a collaboré avec le compositeur Satie et le décorateur Picasso. Cette phrase est donc tenue à son propos, révélant un peu de cette paranoïa sous-jacente, crépitant sous lui (croyant que ses influences auprès des deux artistes sont si importantes, que chez lui tout leur fut puisé…) :

Il sait bien que les décors, les costumes sont de Picasso, que la musique est de Satie, mais il doute si Picasso et Satie ne sont pas de lui.

Son premier désir avait même été de rendre mythiques les vols de Roland Garros, d’en faire un Jupiter venu rapter, sous la forme d’un aigle d’acier, une sorte de Ganymède moderne convaincu, comme lui-même le dira dans le Discours du grand sommeil, de ne pas être fait pour la Terre.

Mais ce détachement pour la Terre est à rapprocher de son aimantation vers l’effrayante Mort, celle qui hante l’homme encore jeune de soif de vie introuvable : en somme, voici l’orphisme qui après un historique progressivement chronologique (si le mot pléonasme existe, ce n’est pas pour en faire des chouquettes la veille de Noël) concrétise enfin sa présence et met fin à ses déambulations spectrales.
Orphée n’est pas tout frais dans sa vie, son père s’étant retiré la vie, le voilà ayant déjà expérimenté maintes fois des séances de spiritisme pour invoquer le nom de son créateur, royaume mortuaire rouvert lors de la première guerre. Mais peut-être est-ce sa première incursion dans sa littérature : et voilà que dans son poème « Visite », Jean Le Roy le mène aux Enfers…
Empris aux songes, peut-être aux apparitions, voici « la force émanant du mort lui transmettant des messages inhumains et qu’il prend sous dictée » : et à la lecture de cette anecdote, je me frappe moi-même de stupeur. Voilà qui m’évoque plutôt mille fois qu’une, les messages que Jean-Marais alors Orphée capte précautionneusement à la radio : ces messages proviennent en réalité de Ségeste, sont lapidaires et dénués de signification pour celui qui les émet sur ordre d’une magnifique Mort. Comme je regrette soudainement d’avoir négligé de copier cette vieille cassette prêtée par un professeur de cinéma bien équipé… A l’heure des promotions festives, il est temps de se réarmer et convenablement cette fois : persuadée que la Fnac liquide des stocks de classiques par lot, pour entuber les nécessiteuses comme moi avec un bon film et deux navets.
Et pour continuer dans l’orphisme, le voilà désirant « abattre le mur invisible le séparant de tous ceux qu’il avait perdus ».

Pour transition, voilà un homme du siècle passé, anxieux jusqu’au délire et extrêmement dans le domaine amical. Une de Proust :
« l’amitié est l’erreur d’un fou qui croirait que les meubles vivent et causerait avec eux ». Jugement très sévère de certains individus plats et sans consistance, bons qu’à être présents pour enrayer toute sensation apparente de solitude.

Et puis, pour en finir, Nietzsche :
« La nature plait aux hommes parce qu’elle n’a pas d’opinion sur eux. »
Très juste non ? Et mériterait sans nul doute importante réflexion dont suis incapable (tarde heure qui taille jusque ma syntaxe) et qui a déjà probablement été donnée. Nous ne sommes donc pas prêts, et ne le serons jamais à habiter avec les critiques, avec les remarques. Nous sommes à cause de cela, constamment sur la défensive, soit-elle élastique. Cela dit, avancerions-nous sans remarque, sans interlocuteur, sans répondant ? Si tel est ce cas, serait-ce une véritable progression ou une simple déambulation dans des lieux chaque fois divergents ?

Quoi ?

- L’Eternité.
C’est la mer allée avec le soleil… »

Vive les clefs USB,
Elle est retrouvée !

5/7 La sélection naturelle

Peut-être est-ce une décision physique, qui par le biais des allèles de mes comptes-rendus, a choisi d’évincer l’ébauche de pensée portant l’onirisme au centre de sa préoccupation…
Un moindre mal pour la publication honteuse qu’elle aurait constituée ? Qu’en sais-je… J’étais pourtant excitée par les découvertes (à l’échelle nano certes, mais elle n’aurait pas tardé à escalader les premières marches la détachant d’un haut delà qui gît et gigote) de mon corps sur mon esprit et serais bien en peine présentement de me les souvenir. Quelle perte, mais dommageable !

Éprise de la lecture si enrichissante de mon vivant journalier de cette journée, il faut assigner à leur catalogue ces fraîches remarques toutes faîtes.

Rappel des faits : année 1913, le temps de la tournure. La rupture est telle qu’imprononçable : 1912 + 1, le cinéma est forain, le cubisme est irréel, et l’ère antique est trahie par ses poursuivants contemporains en mal d’identités à proprement celles d’un siècle. Une infidélité pour aspirer un air épuré et impur, et revenir en ses bras calmé de ces envies de mutation, plus fougueux, plus qu’amoureux.

Beaucoup de Nietzsche :

L’imaginaire symboliste grouillait de lacs reflétant des Narcisses, de palais hantés par des Salomés hystériques et des forêts où faune et fées se pourchassaient – toute une antiquité revue par Baudelaire, Byzance et le Japon : il était temps d’entrer dans le siècle de l’énergie vitale annoncé par Nietzsche.

Bien moins marquée à l’encre noire par ce nom de Nietzsche que l’on va retrouver encore : l’évocation de titres ouvragés (Le crépuscule des dieux, La naissance de la tragédie) a terminé mon enrôlement pour une lecture cursive de son œuvre. Non, là où nous nous plions pour ne pas se tendre sur l’asphalte un peu chaud car fraîchement retourné sur la chaussée, c’est plus que Baudelaire symboliste, Byzance et le Japon.
Byzance symboliste ? Ancienne Constantinople convertie à ces signes ? Et que dire du Japon, certes entrouvert depuis plusieurs siècles mais conservant encore les fondations de son imperméabilité ? De l’époque d’un siècle passé, je ne conserve que le souvenir des dames Butterfly et Chrysanthème comme romans occidentaux notoires dans l’archipel, et encore avaient-ils des protagonistes orientaux… Mais c’est brandir mon ignorance comme bibliographie : et si les années 70 sont forts de Rousseau ou de Zweig, c’est que je suis bien trop présomptueuse dans mes a priori… A piocher sans grand tardement.

Il perpétuait la veine héroïco-mythologique qu’exaltait Anna de Noailles et redisait l’assurance qu’avait Cocteau, après La danse de Sophocle, d’être l’un de ces dieux dansants qu’invoquait Nietzsche.

(pour un ballet actuel qui ne verra jamais la nuit des représentations brûlantes de l’époque)
il rédige les annonces que doivent proférer trois voix s’unifiant dans le pavillon à tonalité inhumaine d’un gigantesque appareil cubique afin de retrouver, à travers ce chœur moderne, la force de la tragédie antique que regrettait tant Nietzsche.

À titre d’ornements du répertoire de mots abrégés, peu d’intérêt à commenter ceux-ci…
Ornements apportant son affermissement.

Ainsi tournant le chapitre et me détournant des pages tournées, j’apprends au cours de ces pivotements que « le sucre fait rêver », que Cocteau en garnit sa bouche jusqu’en encombrer sa panse et que ses rideaux sont tirés deux fois le jour pour nourrir en rêveries ses écritures ; avec une stupéfaction scandalisée qu’Anna de Noailles dont il s’est détourné « joue à la marelle avec une pierre de l’Acropole », que Sodome fut changé en statue de sucre, que Cocteau est un antiquaire de l’absurde, et qu’un soir, car même le jour était nocturne dans la chambre noire et hermétique où il composait ses souvenirs, Proust aura dit que les critiques lui feront percevoir son livre « comme une glace conseillant le suicide »…

Sinistre citation. Pourtant la recherche fut achevée dans son incomplétude : alors si même les fragiles hypocondriaques ont cette force de construire et d’accomplir, d’où ne se révèlerait pas à nos membres, celle qui sommeille en deçà de nous ? Pourquoi sommes-nous au repos ? Est-ce qu’une tension infernale couvre une productivité invalide ?
Et si on sortait ?

Pour rembourrer ce vrac, citons la revue de l’époque « Le Mercure de France » : mais je sais qu’à mesure que j’accroche les encoignures du livre, plus encore je m’éloigne de ces questions initiales, puisque de l’instant qui les a vu naître et durer. D’où ces bifurcations nécessaires par des notes à la volée qui serviront leur scripte, bientôt.

Après ces années de dispersion géniale et d’imitation exaltée, un besoin de sobriété, d’ordre et de silence le (Cocteau) saisit. « Ces hécatombes de bibelots, ces autodafés de paperasses fouettent la mollesse, douchent l’âme », dira-t-il trois ans plus tard : c’était rompre avec l’art cumulatif et les surcharges mythologiques héritées du règne de Napoléon III.

Dois-je être une bête aveugle ?!
Que rapporte déjà cette anecdote de la paille enfournée dans l’œil du voisin, et de la poutre solidement accrochée au sien…
Rappelons-nous ce parallèle des XVII et XXème siècles : alors que Racine compose une Hermione bafouée d’un fatal hyménée, le roi Soleil inaugure ses salons de Mars et Jupiter, quand Poussin pas si lointain brosse des métamorphoses. Comment ai-je pu délaisser l’histoire impérieuse… Fille fi !
Mais le plus obscur reste à retranscrire avec la volonté de trancher d’Apollinaire dont les alcools seuls m’ont grisaillée en ère primaire de filière littéraire (et quelques calligrammes entraînée) :

À la fin tu es las de ce monde ancien
Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin
Tu en as assez de vivre dans l’antiquité grecque et romaine
Ici même les automobiles ont l’air d’être anciennes

Lassitude d’un énième règne jupitérien des mythes qui ne prendra jamais fin : encore ce matin longeant les murs placardés du métropolitain, une affiche attire l’attention ambulante.
D’après Euripide et d’un adaptateur en –poulos d’écho grec, voilà que sont réincarnées les suite et fin d’Iphigénie, la biche sacrifiée.

4/7 Retour à l’enquête

Anna de Noailles nourrissait une vénération pour les dieux grecs : son royaume se constituait, entre autres, « exclusivement de mots, d’images et de légendes, de plaidoyers féministes et d’allusions à la mythologie… ».
Je remets à plus tard, encore, l’introduction du personnage qu’est et de la personne qu’était Anna de Noailles pour cette recherche : car je viens de m’affaler sur ce lien ô combien fascinant qui semble délivrer un permis de déchiffrer. Mais comme il est tôt dans ma lecture, je le laisse se balancer sur son pneu dans le congélateur…

Ainsi ira toujours Cocteau : passant du réalisme à la mythologisation, montant et descendant toute l’échelle du vivant.

Le même qui est amené à « deviner un peu partout la présence des dieux qui hantaient autrefois la Méditerranée et que le symbolisme, puis Nietzsche, ont réveillés. »

Merveilleuse avancée : le doute immiscé ne se permet plus rien puisque nous sommes à présent bien assurés du rôle que le symbolisme a joué dans ce réveil. Ma petite loupe avait crayonné plusieurs allusions à Nietzsche mais voici venue la sentence qui confirme ces ratures.
En bon rebut imprégnée d’une alanguissante déperdition philosophique, Nietzsche, (oc)culte.
Bref, plus de temporisation possible, plus de remise à plusieurs décennies quand mon corps sera apte à recevoir un enseignement minimal de la chose, va falloir extraire le col de la terre, autruche à pluche !
Donc, puisque je connais une rousse, qui connaît un enfant de maçon, qui n’a rien à voir avec les livres de Nietzsche qu’absorbe la rousse depuis quelques semaines, je saurai à qui supplier après les festes, pour éclaircir cette mystérieuse inspiration… Après les festes, le temps accordé pour conclure les chapitres en lecture…

Mais voilà qu’une autre prise m’interpelle, lisez vous-même :
Condamnés par le christianisme à une existence douloureuse et clandestine d’exilés, les dieux païens n’étaient plus accessibles qu’au travers de rites occultes, selon Heinrich Heine : Cocteau cherche toutes les occasions d’atteindre ces génies refoulés qui avaient fait la grandeur de la civilisation antique, dionysiaques ou apollinienne.

Oui de non ! Une piste très saisissante : une des fascinations qu’ont pu produire les dieux antiques et leurs mésaventures vaudevillesques, trouveraient raison de production dans cette interdiction chrétienne de les chérir. Très logique, puisque l’histoire a prouvé que défendre l’accès à l’objet de son envie, affermissait son envie. Mais ces rites occultes prennent racine peu après la mainmise du christianisme sur le sol européen : ont-ils perduré jusque nos siècles, ont-ils ressurgi au précédent, n’ont-ils jamais disparu d’au moins de l’art et connu une recrudescence jusque dans le quotidien humain des habitants du XXème siècle ?

Je me courberais volontiers pour la dernière hypothèse – néanmoins ne taisant pas d’autres inconnues mais d’avantage probables – en ayant à donner cette fabuleuse capture, révélatrice de l’atmosphère de l’époque : « C’est vous Paris, ma chère Athènes. »

Du reste, subsiste l’instigateur, Heinrich Heine, dont le nom m’évoque du vent, des vagues et des crissements de pneus, et aussi des textes philosophiques : est-ce que l’entière communauté a observé là-dessus ? Il faut croire que Freud et tutti quanti en dehors de toute psychanalyse, n’avaient pas délaissé assez à composer avec (à moins que Freud ait aussi touché à la mythologie (le complexe de Œdipe, il compte pas d’abord) ? oh, le coup dur pour le coup…).
Après cette inoffensive querelle d’amoureux qui laisse entrevoir le puits abyssal de mon ignorance du justement bien-aimé, ainsi que toutes les opinions, méprises, imbécillités et autres idées fines qui me fissurent à son sujet, je promets donc de pallier à cette carence.
De pallier vite.
Ultérieurement.
Et juste Nietzsche.

Pour un observateur lointain

Il ne s’agit pas d’aller chercher la vérité ou le salut dans ce qui est en deçà de la science ou de la conscience philosophique, ni de transporter tels quels dans notre philosophie des morceaux de mythologie ; mais, en présence de ces variantes d’humanité dont nous sommes si loin, d’acquérir le sens des problèmes théoriques et pratiques avec lesquels nos institutions sont confrontées, de redécouvrir le champ d’existence où elles sont nées et que leur long succès nous a fait oublier. La « puérilité » de l’Orient a quelque chose à nous apprendre, ne serait-ce que l’étroitesse de nos idées d’adultes.
(Citation de Maurice Merleau-Ponty)

Il m’aura fallu la coopération de mon ex-professeur de cinématographie pour pouvoir à mon aise, évoquer cette entrée en matière du livre éponyme.

Depuis quand dure ce couplet ? Depuis bien 30 ans, peut-être une cuillérée à sucre de moins. Est-elle toujours d’actualité ? La démarche de Burch, qui éleva (ou le retrancha) Merleau-Ponty au statut de fragment éclairant, m’a hautement troublée : pourrait-on connaître les mêmes initiations aventureuses aujourd’hui ? Presque non bien sûr… Je me souviens de ce même professeur me retraçant par la pensée, également affairé à creuser de la place pour un DVD de Esther Kahn, son excursion estivale de l’année 198X joint de son ami. En deux mois, ils avaient escaladé le relief américain, d’une côté à une autre pour trouver un jazzman en abord, pour essayer des vies ensuite. Et Burch en amont, de l’autre côté du Pacifique sur un archipel, Burch expérimentait le quotidien tant différent des films qu’il affectionne, pour s’en repartir garni de rites, de routine, de ritournelles culturelles afin de mieux saisir son sujet d’études.

Ainsi, il était fort fort lointain des variantes nihon, et la tendance dominante à théoriser de son ère, avec laquelle il souhaite trancher radicalement, l’ont catapulté au pays des takenoko afin d’en rentrer Robin des Bois et de partager avec ses pauvres nus. Car les textes, scientifiques, philosophiques nous ont fait omettre que tout ne se résout pas avec des mots : ils ont fait oublier aux institutions que pour extraire de la théorie, il faut effleurer un problème au concret, ne plus se cramponner au domaine des strictes idées. Des idées dans un corral, dont la barrière électrique freinerait la percée des mouvements de vie en son en-dehors…

Pas dans les textes, ni dans les pensées naïves (des opinions ?) et encore moins dans des narrations ancestrales dont il faudrait tirer des explications au monde vivant. Voilà pour le peu que je puisse pénétrer cette bribe, du moins de l’accès qu’il me permet. Et si j’affrontais le livre à présent ? Un peu polarisée par la biographie, sûrement m’y lancer avec filet bleu à paillettes après Noël, pour faire se coïncider les signes…

3/7 « Le temps chronophage nous dévore »



Et puisqu’il a fait du temps, la réflexion de l’entreprise littéraire la plus titanesque qu’il soit, voici un mot d’applaudissement de Proust adressé à Cocteau à l’occasion d’une publication de ce dernier, avec une référence (plusieurs peut-être ?) mythologique qu’aucun ne saurait méconnaître :

« Voilà, cher Jean ; c’est émouvant de penser que de cette seule fleur si belle et si douce, si innocente et si penchée que vous êtes, a pu s’élever et se construire, sans que la tige fléchît et cessât de plaire et d’être flexible, cette immense et solide et dense colonne de pensée et de parfum. »

Hin hin, plus tard est évoquée plus longuement sa mégalomanie : et comme toute maladie digne de son titre, elle tire sa force d’un symbole mythique, le complexe de la fleur penchée… Malgré tout le désir de manquant qui rongeait souvent Proust, voilà un pan certain de son existence où il aura détrôné Cocteau, du moins en ouverture : ses correspondances. Elles paraissent être toujours si joliment tournées, manipulant en cascades, d’une prose naturellement séduisante, là où Cocteau saura donner son meilleur en concentrant ses fameuses facultés délivrées en gésine, tout comme livrer un billet somme toute élémentaire. Non que la simplicité soit condamnable, il est bon au contraire, de savoir qu’un homme qui se pense un dieu peut être un homme, et que l’excellence n’est pas de tous les temps. Mais Proust ne semblait pas fournir d’effort en particulier dans ses lettres qu’il rédige avec la même constance dans la plume… Une constance semblant supplanter, voilà tout (mais le manque de documentation sur le sujet m’induit en leurre, c’est véritable).

(Après avoir farfouiné, j’ai déniché cette fructueuse page retraçant une autre correspondance de Proust, à destination de l’adroite Anna de Noailles, évoquée dans un prochain message : alors pour prendre de l’avance…)

Et grâce au jumelage temps et espace, je tiens ma transition avec le post prochain (malin devin) !

Intermède

Pour l’étude d’un rythme, parallèlement celle d’un poème :

Gwendolyn Brooks, 1960
We real cool

THE POOL PLAYERS.
SEVEN AT THE GOLDEN SHOVEL.

We real cool. We
Left school. We

Lurk late. We
Strike straight. We

Sing sin. We
Thin gin. We

Jazz June. We
Die soon.

J’ai dans la tête les gangs de West Side Story, en train de le réciter les doigts claquant…
Je l’ai entonné – car peut-on lire un tel poème, même doucement par ses yeux – sur un mode comique, mais après avoir parcouru un résumé très succinct de son existence (Brooks), il m’est apparu que peut-être était-ce dit au sens propre (ou probablement les deux, pour s’amuser et frapper de l’ambiguïté).
Il faudra éditer ce message en soirée pour ce savoir…

2/7 « il y a des gens qui marchent dix heures par jour sans jamais maigrir

…] Car intellectuellement comme physiologiquement, le régime est moins puissant que le tempérament.

Extraites de correspondances, il faudra attribuer ces phrases à Proust, qui paraissait en connaître longuement bien sur les gens, et plus tard remplira un magasin tout entier du rayonnage santé.
Parallèlement, cette phrase métaphorique n’a donc rien à y entendre avec la santé et était adressée en reproche à une vie mondaine et anesthésiante que menait le fougueusement jeune Cocteau.
Une réflexion à conduire en relation enserrée avec celle du vrai désir : mais mes neurones saturent déjà à l’évocation des souvenirs de la multitude de sujets de philo, ayant pour thème une problématique butinant le divers désir… (pour ceux qui penseraient encore innocemment que la philo scolaire peut, potentiellement, nous apporter autre chose que des heures soporifiques, trépassées à tailler ses mines de critérium et osciller sur sa chaise éclopée sans dossier, pour faire entendre à son voisinage complice les craquements qu’elle expire, eh bien il faut conserver ses espoirs dans sa jolie besace ; peut-être votre foi vous récompensera en vous allouant l’un des rarissimes maîtres à penser qui ont provoqué ces quelques centaines d’adhésions annuelles aux filières universitaires de philo (si on met de bas côté le pourcentage d’aventuriers et celui des illuminés par la visite virtuelle des infrastructures sur le site Internet de la Sorbonne))

Enfin, concernant Proust, il ajouta que ses pronostics étaient parfois (un « parfois » faussement réservé, non ?) clairvoyants pour autrui, toujours impuissants pour lui-même.

Cela pour introduire la péripétie vitale du soir : le camion tout blanc dans la nuit presque bleu marine a rejeté mon don sanguin.
Pourtant apprêtée depuis une heure double et clôturant une file de vingt héroïnes, j’avais même tenté de prendre de bien loin le seuil pondéral en engouffrant un roulé à la pistache, un croquet aux amandes et quatre cookies pistache – pépites chocolatées (extirpées car écoeurantes, mais perdurait la masse mie), mais c’était sans comptabiliser l’épreuve terminale.
Alors que le médecin et la donneuse (statut administratif au demeurant) en devenir étaient lancés dans des boutades animées, la mine déconfite a fait dégringoler mon excitation teintée de délicieuse appréhension :
9,5 de tension. Minimum de 10 requis.



Eu beau avancer et reculer que jamais je n’avais enduré d’évanouissement, que plus poivre que sels, que j’étais faite à l’image de mon disqueman ayant dévalé l’escalier le matin même sans une égratignure, l’héroïne parfaisant cette semi journée d’extraction sanguine serait donc mon accompagnatrice, Emilie plus jolie que 9,5 de tension.

Mais d’où provient cette désertion cardiaque qu’éprouve mon moral ? Après cogitation jusqu’à ébullition du liquide de la tête où marinent les graisses intelligentes, il se souvient une consultation spécialisée qui avait déjà relevé l’anomalie, anomalie qui devint gênante en me remémorant l’ultime visite généraliste remontant à des temps immémoriaux : j’avais pour dernière ordonnance de ralentir la cadence et de copiner avec la communauté des oreillers…

L’éternel abattement énergique prompt à m’abattre, basse tension, même combat ?

D’où un dégrisement démolissant mes impulsions de BA : éventualité de ne jamais se faire aspirer son hémoglobine globuleuse qui accessoirement, peut servir à monsieur tout le monde, grâce à mademoiselle personne.
Mais tant pis, car après doléances, on m’assoit sur les coussinets bleus et on m’attribue un ramequin en plastique.
Les dents goguenardes déchiquètent un pain aux raisins industriel, le sang d’Emilie est inaudible, le café est tiède, on me tient debout compagnie, pendant que la peine du pain plus cher est perceptible, est-ce qu’Emilie vit, parmi madeleines et pavés bretons les pommes cultivées en Espagne sont veillées en Finlande, et le chausson aux pommes serait plus comestible que le pain aux raisins, et ne pas oublier de lever le camp imaginaire sans brique d’orange pour prévenir les défaillances fantômes de donneuse qui a manqué sa vocation…
Et n’évoquons pas même le souvenir douloureux de l’autocollant hors de réclamation.


Limpides pronostics pour moi. Pronostics ; statistiques ; sondages. Ce soir, une femme présidente ; et nous conduit à la suite des investigations sur les plongeons archéologiques dans la littérature d’incipit du XXème siècle :

Le sens politique fut le seul qui manqua jamais à Cocteau. A l’interprétation des actes du pouvoir ou des gestes de la foule, il préfèrera toujours leur évocation légendaire, comme le font ces cultures orales où, l’histoire ne s’écrivant pas, les événements se perpétuent à travers des récits amplifiés jusqu’au mythe, où la foudre peut fendre en deux un homme et le vent le recoller (ndlcommentatrice : de quel mythe s’agit-il ? je vais fouiller…) : entre l’anecdote et la légende, il n’y aura place en lui pour aucune dimension historique. « L’histoire est faite de vérités qui deviennent des mensonges, et la mythologie est faite de mensonges qui deviennent à la longue des vérités », répétera-t-il souvent.
(Citation de Claude Arnaud)

Ainsi si est livrée une clef de compréhension pour saisir l’engouement personnel de Cocteau, cela ne saurait être véridique pour Giraudoux pour exemple, étant bien trop intégré à l’équipage en bataille à l’encontre des idées et personnages bellicistes.
Une pauvre clef quand il va me falloir le trousseau : allons traquer le reste donc !

1/7 « Narcisse incapable de s’aimer soi-même

[…] dira Jacques Brosse, il a besoin de l’autre qui est à son image au miroir mais une image magnifiée, l’image de ce qu’il voudrait être et a conscience de n’être pas.

Certes, il y a eu des Britannicus, Horace ou encore Artamène, des Sénèque, Phèdre ou bien Télémaque… De mémoire plausiblement défaillante, tous du siècle du roi ensoleillé. Est-ce du pour l’époque, à la querelle des Anciens et des Modernes, dont les premiers auraient défendu ce goût de l’esthétisme antique au prix de ces pièces éponymes ?

Hum, qu’annonçait La Bruyère en remarque liminaire déjà… Que tout était dit et que l’on venait bien trop tardivement, depuis 2000 ans qu’il va des hommes et qu’eux pensent : on ne peut que glaner des anciens et les habiles d’entre les modernes (approximativement : mais pour rien à la nuit ce soir, j’irai déplacer les montagnes d’annales pour retrouver mon exemplaire commenté de ses remarques…).

Mais ce que je ne m’expliquais pas, c’était pour quels prétextes, ce regain d’intérêt commun à l’entre-deux guerres pour les racontars mythiques : j’ai eu vent râpeux des débats sur actualisation et trahisons des interprètes du début séculaire, et comment y intégrer des préoccupations pacifiques et les engagements à l’encontre des belligérants trépassés en leurre, et ceux en devenir.
Mais pourquoi ces Marius, Electre, Antigone, Œdipe Roi, cette Machine infernale ou cette Guerre de Troie [qui] n’aura pas lieu, ces Mouches, tous ces plagiats / sauvetages de l’oubli à foison qui puisent leurs actants en même temps que ceux venus aux heures ancestrales, sur l’agora prêter une cavité à un sophiste ? Pourquoi tous ces nouveaux mythes ?


Du même ouvrage, je tire une seconde citation peut-être (sûrement) mal assimilée (mais le principal n’est-il pas de ragaillardir ma matière ensommeillée et de galvaniser un peu mon moteur gris hi hi) qui pourrait proposer des éléments en réponse :

Nourri d’art médiéval, renaissant mais aussi romantique , le symbolisme, sans doute le dernier grand mouvement passéiste éclos en Occident, avait suscité par réaction une volonté d’explorer les secrets du monde et les confins de l’âme et, par-delà ses Mercures androgynes, ses Narcisses blêmes et ses Orphées portés par des chapelets d’anges, toute une alchimie brumeuse où certains avaient vu une voie d’accès à l’ésotérisme et même au religieux, l’Univers n’étant que le symbole d’un autre monde auquel la poésie, le spiritisme, le rêve et l’Idéal, mais aussi le jeu des analogies et l’étude des chiffres, devaient servir d’initiation.

(là où je bute dans les nippes de rideaux, c’est qu’il me semble que ces farouches défenseurs pacifiques étaient en majorité athées, donc je n’attribue guère de sens à cette évocation de religions, etc. Est-ce que là où certain ont plongé leur âme dans la foi, d’autres ont trempé leur encre dans les mythes ?)
Suite et fin :

[…] Proust pourra ainsi reconnaître dans les duchesses du Faubourg et les pianistes de Mme Strauss des divinités masquées, dignes de la reine de Saba et d’Euterpe, et dans les forts des Halles qu’il croisait à l’aube, de lointains héritiers d’Hercule.
(Citation de Claude Arnaud)

Il signifie enfin par cela, que pour qui les mythes s’immortalisaient à chaque seconde, alors toute parcelle vitale vibrait de ces récits ancestraux (l’idée me plait beaucoup).

Et pour relier ce questionnement à un épisode de vie palpitante, tout ça pour dire que j’ai dépanné la mémoire vacillante de ma préceptrice en littérature anglophone qui bloquait sur les œufs de Léda : Castor, Pollux, Hélène et… et…
Et.. qui donc tiens ?
Une miette de sandwich thon-crudités pour aider à retrouver son sentier : ça commence par un « C » et c’est pô aisé à prononcer (cela dit, elle a eu l’air d’approuver en classe mais n’ai pas vérifié de mon rebord en rentrant au domicile… il m’avait juste semblé me souvenir d’une expression drolatique, « ta tante Léda » quelque chose, issue de la bouche en papier recyclable d’un personnage de Electre ou de La guerre de Troie n’aura pas lieu…).

Remarques désordonnées sur une yaoimania irritante…

Après quelques conventions et quelques discussions, au demeurant n’ayant pas exploré les puits de raisons des yaoistes interrogés, il a paru à la Pomme malaisément effarouchable que les relations homosexuelles à travers cette perception du genre, tournaient à la proie aux clichés, à l’effet de mode : et comme tous les effets de mode, les adeptes connaissaient des manies et leurs rituels.

Je me demande d’ailleurs si l’aspect sociologique du fan de yaoi a été relevé par le site Jpop Trash, site qui ne me fait m’esclaffer que modérément à mon grand regret, mais dont la hardiesse de s’attaquer parfois à certains profils ardus de la japanattitude est somme toute admirable.

L’impression m’a donc infiltrée, que ces adeptes et leurs dangereux comportements (des sauts dans l’espace parfois peu contrôlés peuvent aboutir à des destructions de stands voisins) en communauté généralement, dégradaient finalement l’image renvoyée aux relations homosexuelles.

Cette dégradation contribue à marginaliser un type de relation qui n’est ni marge, ni norme (rappelons qu’à l’Antiquité déjà, l’homosexualité était largement pratiquée), d’une part par cette attention toute singulière et déplacée, d’autre part par tous les codes liés aux yaoi, assimilés par un effet cause/conséquence à la relation homosexuelle.

L’image véhiculée par les manga en général est issue d’un fantasme avant tout. Mais ce qui m’apparaît souvent gênant, c’est de ridiculiser les relations homosexuelles à des objets de fantasme sexuels féminins : l’effet inverse étant souvent reproché comme constituant du sexiste ou du machisme, pourquoi tolérer cet engouement plus qu’artificiel ?

En vérité, tolérons-le. Simplement, ne cautionnons pas (comme un puisque ça existe, faisons avec, mais sachez que personnellement, je n’ai rien à voir là-dedans et que si ça ne tenait qu’à ma jeune personne…). Mais pourquoi le public féminin est-il si avide de ces relations ?

Peut-être tout d’abord, de l’impossibilité de les infiltrer. La relation homosexuelle reste et demeure inaccessible, un mystère peu sondable, où la femme est réduite au rôle de témoin (ce à quoi l’histoire l’a presque toujours réduite d’ailleurs, s’agirait-il d’un sursaut de refus d’âme féministe ?), de voyeuse. On s’interroge alors : est-ce que cette position de témoin, contrainte de toucher des yeux, s’avère excitante pour le public féminin ?

On a argué les spécificités propres aux relations homosexuelles qui attisent la curiosité : pour commencer, avec la hiérarchie qu’on leur prêterait, des statuts de dominé et de dominant. J’use et abuse du conditionnel pour signifier bien entendu mon scepticisme à propos de la chose…

Pourquoi ? Puisque les deux pratiquants sont du même sexe, le rapport à la sexualité est donc différent. Mon crâne peu réceptif, paré pour un marathon de gastéropodes se questionne : il faudrait que ces deux statuts ne soient pas effectifs dans un couple hétérosexuel.
Pour ne pas épargner quelques détails utiles, on papote toujours d’un dominé et d’un dominant. Cette idée va de pair avec la stature du couple.

On remarque souvent la manie, décuplée ou bien mise en exergue, de composer un couple homosexuel à un couple hétérosexuel en ne cessant jamais de les mettre en comparaison : ainsi, au sein même d’une relation homosexuelle, l’un des conjoints doit revêtir la fonction de femme. Par la même, sont perceptibles les clichés et les lieux communs déjà dénichés dans un couple hétérosexuel. Un partenaire plus faible (la femme) protégé par une épaule robuste et forte (l’homme).

Mais jusque-là, quoi de plus que les clichés et les idées reçues de coutumes qui nous font critiquer le yaoi ? Le fait que justement, ce genre se serve de ces idées erronées pour en constituer un succès, propager un puits à fantasmes et de ce fait, faire reculer certaines mentalités.

Ne voilà donc qu’une suite de remarques inabouties, qui omet les connotations masochiste et sadomasochiste souvent associées aux récits yaoi (car oui ! un blond ténébreux qui cravache un brun trapu, c’est sexy, surtout quand ils restent stoïques sous les injures cochonnes houhouhou) : enfin, n’oublions pas en ligne ultime de préciser qu’évidemment, ce texte lui-même est bourré d’à priori puisque tous les yaoi ne sont pas de méchants yaoi qui veulent la perte de leurs sources d’inspiration…

Heureux qui comme Ulysse a fait un bon voyage…

Dans les prochains jours, il apparaîtra donc comme par la voix d’un quelque malsain esprit, des clichés de ces deux jours précédents, ou ont été enseignées les règles ô combien élémentaires telles que celles sélectionnées spécialement a votre effet :

1) ne pas sortir sa bouteille d’eau (minérale non gazeuse) en public ;
2) ne pas hasarder ne serait-ce qu’une peau microscopique se balançant au bout de l’orteil dans le périmètre de sécurité de limitant la baignoire (et là, vous êtes en droit de vous interroger le plus sérieusement du monde sur mon hygiène corporelle) ;
3) en conséquence de ce deuxième et précédent point, inonder la salle de bain, c’est faire honneur à ses honorables hostes japonais.

À venir aux confins de l’album cliches : une visite imagée de la dite salle de lavage…

Voilà une moitié d’heure que je duel avec ce clavier de l’université de Nagasaki et bientôt le bus vient me faucher (un toutes les deux heures, tout de même suicidaire de ne pas se précipiter) alors en jets lyriques, des notes réductrices : les Japonaises sont toutes fringuées comme des poupées de porcelaine (on cherche des mottes ou enterrer les nôtres après ça…), la chaleur est si dense que c’en demeure invivable au quotidien (constamment évanouie, corporellement ou psychiquement), en ce moment on craint un taifu (… je trace une lettre d’adieux différente tous les soirs, j’oublis toujours de préciser un truc…), ma mère d’accueil compte sur moi pour dénicher une horde de prétendants japonais et leur faire un lavage de cerveau concernant le statut de la femme en général, et demain j’ai l’intention d’entrer dans le club de badminton de l’université pour déverser toute ma frustration (le barrage de la langue) en les battant à plate couture, etc…