J’y vois pas clair Simone

(Un manifeste ? Pas véritablement, mais un billet humeuristique lâché il y a quelques temps rendait compte de mon état d’esprit.)

C’est assez difficile de perdre son anonymat sur Internet.

Active e-randonneuse depuis l’an 2002 (mots-clefs associés : Voilà, Lycos, Club-Internet, le chat Caramail, des lentes, très lentes connexions bas-débit…), il m’a fallu au bas mot 10 ans pour réussir à passer le cap ferré du pseudonyme et de l’inversement des valeurs que j’associais au monde dématérialisé. De la sécurité du secret, du monde des possibles confidentiels, de la volonté d’invisibilité et d’intraçabilité, nous avons basculé dans celui de la volonté de crédibilité. Les réseaux sociaux, les adresses email, nos participations dans des discussions et même à des rencontres IRL : tout doit être connecté, marqué, repéré. L’objectif aujourd’hui est de pouvoir identifier et s’identifier immédiatement, et on rassemble sans ambage notre vie privée exposée sur certains réseaux sociaux, à notre vie professionnelle promue sur d’autres.

Réussir cet exploit dans un cas comme le mien est problématique. Quand l’heure en est à associer son nom à des sites Internet comme carte de visite de sa productivité et de son efficience, comment livrer une dizaine de pseudonymes, une vingtaine (trentaine ?) de participations (dérisoires) à des projets éparpillés, dans des domaines divers, à des projets humoristiques sans prétention qui s’avèrent pourtant démontrer, rétrospectivement, sinon d’une certaine productivité, du moins d’un acharnement à la vacation.

J’ai commencé à m’activer en 2002 lors de ma première réception connectiviste sur un site Voilà, un site amateur comme il en pullule depuis l’avènement d’Internet. J’ai rapidement participé à des forums de discussion, espace révolutionnaire à l’époque où il était possible d’interagir avec de lointaines personnes qui semblaient posséder une science diffuse mais toujours engageante. C’est ainsi que j’ai commencé à rédiger, en parallèle d’échanges emails longs, passionnants, qui comptaient souvent plusieurs milliers de mots à une époque où les tours centrales s’éteignaient mystérieusement, faisant disparaître le travail de plusieurs heures. C’était il n’y a pas encore si longtemps. Ces forums de discussion m’ont fait rencontrer des personnes avec qui échanger, et plus tard, monter des projets de publication, en ligne et en print. Parmi ces opus qui font maintenant sourire (et ne provoquent plus de simples rires hystériques de honte en passant par tout l’arc-en-ciel des couleurs), j’ai monté en 2004 de concert avec du jeune peuple de mon âge un journal fictif en ligne sur l’univers d’une bande dessinée ado qui nous avait rassemblés.

C’est un peu un travail qui salit les ongles que je tente d’exécuter, c’est-à-dire récupérer ces honteuses émissions d’antan, en partant de projets communs comme ce dernier, en repartant fouiller sur d’antiques comptes de forums de discussion afin de rapporter le plus possible tous les écrits dégoulinés de mon clavier en douze ans de pérégrinations. Pour certains projets, la tâche est aisée : malgré les plantages monumentaux et mémorables de disques durs au cours de la dernière décennie, j’ai la chance de côtoyer l’archiviste la plus méticuleuse (et le modèle de stalkeuse le plus abouti que je connaisse (un comportement normal pour tous ceux qui, comme nous, ont dû se débattre seuls contre des marées de liens morts ou non-actualisés, et qui allaient eux-mêmes à la pêche aux infos croustillantes enterrées dans les tréfonds du net)), APC, hey-quai-hey, maintenant-je-suis-prof-à-la-fac-et-le-système-,-c’est-moi (mais avant, j’étais aussi une petite fille qui envoyait des gribouillis crachotés sur un coin de serviette à Minnie Mag). Je lui rends hommage chaque jour que Petrovschka fait, en mangeant grassement et en buvant libéralement, car c’est elle qui a cru dans chacun de nos projets. Certains d’entre eux n’auraient jamais dû voir la lumière d’un clignotant, mais en sa qualité d’auxiliaire indéfectible, tous furent inévitables. Des projets, elle en a soulevé beaucoup, et en porte toujours. Littéralement.

Je centralise adoncques les multiples éruptions butinées icy et là, et comme une vandale, les ré-ordonne depuis leur chaotique éparpillement. Voir toutenbas pour le rangement chronologique.

La chronologie vous perturbe ? Préférez-lui, dans l’immédiat, la régularité horizontale du rangement par thèmes :

- Les passages en revue : je lis. Des fois un peu, des fois beaucoup, et j’aime bien laisser quelques traces. Il s’agit de remarques lapidaires ou de plus longs commentaires. On différenciera d’un poil les émissions moins tourbées des billets à Bingo.

- Les passages au crible : je lis. Des fois je me creuse la cervelle et ça donne de longs billets décortiquant méthodiquement une lecture. À croire que j’ai du temps à perdre, mais non.

- Les scribouillis : du bouilli de scritures. Je crie et j’écris, et les deux s’entremêlent souvent. Au cours des dix dernières années, il y a matière à réunir sous l’étiquette de biture de l’esprit pas mal de méandres longuement étudiées ou savamment jetées comme des dés sur un coup-de-tête. Y a du bon, du moins bon, du médiocre, du bien piètre, en françoy et en angloy.

- Somber Chamber : des billets qui ont trait au cinéma.

- La pêche à la peloche : j’ai pas souvent papoté photo, mais ça m’est arrivé.

- Badaudismes : des fois quand on se promène, c’est sympathique.

- You’re only a feminist because you’re ugly : s’il y a un sujet sur lequel il ne faut pas trop me titiller, c’est bien la difficulté d’implantation des huîtres en milieu alpin. Je n’inclus pas les longues diatribes que je me tape sur certains livres, mais on pourrait aisément aiguillonner vers Winterson, Rosenthal, Chiarello, Minard pour leur portrait de l’homosexualité (et même Stein) ; Woolf ou encore Edgeworth et Chopin, pour leur éclairage sur la condition féminine.

- Dou iouss pique Brahbrah ? I no I dante.

- Jappons jappez : j’ai un rapport parfois problématique avec le Japon, un pays qui m’intrigue et m’exaspère, souvent par le biais de ceux qui l’embrassent sans nuance. Je l’ai planché, traversé et habité, et suis bien loin d’être une experte en leurs manières. Demeurent quelques billets d’humeur.

Frisettes en tête :

Le live-journal (2006 – 2009) :

En 2006, j’inaugure un espace live-journal (un réseau social, très porté sur les « fan pix » et les retouches photos, à l’heure de leur incubation) afin d’informer lesunslesautres de ma première excursion au Japon, à Nagasaki. Résultat des courses : un ou deux pauvres posts sur le dit-sujet, puis des billets se succédant pour me sortir du bulbe les pensées qui se tiraillaient suite à mes lectures. J’appelle la page « Le goût du thé refroidi dans la fusée flamboyante de l’après-midi » (à l’époque on se fout des titres à rallonge, la problématique de lecture sur smartphone n’existe pas) et j’y exerce ma gâchette jusqu’en 2009. Le banc-gueux est une référence au bang-bang de Kill Bill qui secoue le milieu des années 2000, et comme bien sûr je ne peux pas gâcher une bonne référence sans y coincer mon grain de jeu de mots…

J’en ai tiré une série de réflexions sur Cocteau et le rapport des créateurs du début du siècle à l’antiquité et leurs allers-retours vers les mythes. La poésie secouait également mes synapses, c’est rangé là. On peut retrouver l’ensemble des billets ici.

InK (2005 – 2008) :

C’était une aubaïne, c’était un fanzaïne. Cette impulsion incontrôlable de matérialisation fut expérimentée un poil avant que les fanfictions débordent des bacs à libraire, et qu’Amazon ouvre ses premiers supermarchés. C’était adolustrant, c’était adorare, c’était adosartrant.

On peut déjà retrouver les brèves « Images qui bougent » ici, parues dans les numéros 1, 2, 3 et dans le hors-série musical de la revue (terme pompeux et hyper-mainstreameux pour désigner cet objet très bien identifié par la photocopieuse, mais pas par les gens qui font leurs courses à Inter et Bricorama, j’ai nommé toi, le fanzine), ainsi qu’en bonus, l’exercice d’exorcisme (sous-intitulé en scred « une fraude parmi d’autres fraudes »). Dates périmées : 2005 à 2008.

La Mariée Canadavérique (2008-2009) :

Espace Tumblr ouvert à l’occasion de mon année passée au Canada, au fin fond de l’Ontario civilisé. Des insomnies, la Nature, de l’angloy. Ça se passait ici.

Put On Your Coat (2010) :

À l’automne 2010, j’ai traîné mes chaussons à Kyôto pendant quelques mois. Ce sont des temps vécus à l’envers, des nuits éveillées à vadrouiller dans les rues jamais éteintes. J’en récupère présentement les jets.

The Mad Queen of Collage (2011-2012) :

J’ai enseigné dans une fac londonienne pendant un an et je me trimballais sans arrêt avec ma boîte synthétique : ça a positivement dégouliné sur ce Tumblr (Tumblr, ou l’espace d’exposition qui ne met pas la pression sur les descriptions), afin de livrer un aperçu des environs aux patriotes. Qu’on ne s’y trompe pas : ce n’est pas de l’art mais bien de l’air. J’ai la chamade pour l’architecture et les paysages verts, ça m’émeut comme pas deux : une belle façade peut aisément me mouiller la rétine.

Oxfolks (2014) :

De retour en terre angloise, cette fois en territoire scolastique. Aperçu sommaire des quelques coins occupés et traversés.

La Marotte du Bingo (2015 – présent) :

Le Bingo, c’est un regroupement professionnel et amical de critiques chevronnés, qui s’attaquent à 25 lectures par an, selon une grille de Bingo pré-définie. Les lectures sont choisies dans leur imposition, la fin d’année est dramatiquement mouvementée, les abandons multiples. On retrouvera sur Fichtre l’ensemble des chroniques, initialement postées sur le site du Reading Bingo.

En devenir :

  • La Tribune (2004)
  • Chroniques Forum (2005 – 2010)
  • Sauvage Garage (2013 – )
  • Projets épars (2004 –) : album de chansons animauphiles et végétophiles, poèmes riants, prose neurasthénique, scénarios inaboutis, rafales féministes, agraphages, et correspondances.

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