Month: février, 2010

L’écriture mathématique

Les Surréalistes, prenant la manière pour la matière, comme font tous les vulgarisateurs, se figurent que la ligne est devenue une vibration et par conséquent susceptible de les entraîner par elle-même à des hauteurs sublimes. Lui [Picabia], qui sera le créateur de cette ligne de vibrations, sait très bien qu’elle n’existe pas encore, et qu’en tout cas elle ne peut pas exister en elle-même, mais dépendra toujours de l’émotion de celui qui est à l’origine de la vibration.

par Alice B. Toklas, L’autobiographie de Alice Toklas,
de Gertrude Stein

Cette ligne, c’est la vision de l’artiste du caractère humain, une vision sensible et tactile, empreinte de délicatesse.

Souvent revient cette interrogation parmi les uns, se tapit latente au plus profond des autres, sur les écritures du simple. Non pas les écritures du commun, qui sont des écrits prenant pour portrait la vie triviale et ses réalités les moins surchargées (ce qui ne signifie pas qu’elles ne soient donc pas chargées au naturel, en partant pour idée que le nu est un plein), mais bien les phrases décomplexifiées au rendu dénudé. Non pas les parlers les plus triviaux, bien que cela aussi on puisse le considérer comme un autre marchepied, mais bien ces auteurs érigés comme classique, et dont le classicisme nous parait énigmatique de vacuité.


Souvent, l’académie élucide quelques uns des mystères entourant leur piédestalisation : parce que leur classicisme jadis était moderne et que la rupture est une Histoire à laquelle s’entremêlent circonstances, vifs esprits et émulsion épocale. Parce qu’aux extraits peu parlants, suivent d’autres récits plus édifiants. Parfois des explications de texte apportent du fuel à nos lanternes, et souvent la vie emmenée des protagonistes de ce nouvel incipit littéraire contribue à la digestion de toutes ces informations.


Dans L’autobiographie…, c’est par d’autres explications que Stein élucide le préambule de l’énigme : c’est l’interprétation mathématique de cette conception, de laquelle tout sentiment doit être banni. Il s’agit de dépeindre dans l’exactitude externe la plus entière, sans, non pas s’embarrasser, mais sans laisser interférer tout sentiment, toute remarque, tout commentaire qui ne soit, qui n’est pas de la littérature. L’émotion puisque non intellectuelle, ne doit pas être la cause de la création : celle-ci se substitue à la réalité comme forme de reproduction et d’expansion dans le temps, l’espace et les masses. L’équilibre, le rythme, la syntaxe. D’où cette idée de triade où figurent Erik Satie et Juan Gris alignés de front à Gertrude Stein.

Fustre, me voilà de retour parmi les décombres de la Lost Generation, and all that jazz!

Vingt-quatre heures de la vie d’un homme


Ou comment pourrait être renommé A Single Man. Très sympathique, particulièrement dans son filmage derrière lequel on peut tâter à paumes pleines la réflexion et les questionnements. Un réalisateur de fibre classique dont on peut mesurer la présence, et c’en est réellement agréable.


Un peu plus conformiste mais aux nombreuses bonnes pistes, An Education, qui réjouissant les trois quarts du temps, prend un mauvais virage vers la fin, le conduisant dans le fossé du happy mélo au-dessus duquel on aurait apprécié que sa générale ironie nous dise adieu. Un grain dommage.


Reste Shutter Island, visionné hier, perturbant, angoissant une once, et accompli. Un film questionnant la fêlure et désorientant mes assurances. Les scènes oniriques sont d’une beauté à palper du pouls… Il ne manquera plus que l’Invictus dominicain et le carnet de bal sera plein.

Le ravin

Ou la vallée de la mort. Ou le sourire de l’ange.  Ou même vous ne me connaissez pas (quoi que). Et toujours : le heurt.

À mécroire qu’il n’y a que ça à encaisser, le heurting. Qu’en est-il de la fondation ? C’est la mauvaise foi sélective qui dicte l’ordre des mots d’un bout à l’autre de la phrase, mais sérieusement, qu’en est-il d’un peu de constructivité ?

Tous mes sens à moi ne témoignent que de démolition constante. D’une démolition méthodique, chaque pas se voit destitué de son empreinte. Comprenons-nous bien : tabula rasa n’est pas un principe dont je réfute la raison d’être et de marcher. Oui, balayer pour mieux régner me parait justifié à de moult occasions. Nonobstant cet apparent consensus, il faut il me semble distinguer le coup de balai du coup de démolisseuse. L’un désobstrue la voie, l’autre désobstrue la vue mais ne désencombre pas la voie pour autant. C’est une option certes inscrite au menu ; mais en tant qu’option, la reconstruction ne s’effectue pas par essence.

Non, pour qu’il y ait reconstruction, il faut qu’il y ait critique déconstructive. Le négatif peut être fertile. Démolir avec logique dans l’optique de réutiliser un matériel et un espace dans une toute autre logique. On peut très bien envisager la démolition accidentelle : après tout, les humains sont tailladés de lignes de faille. Certains bien plus que d’autres, c’est leur petit côté pierre précieuse, ils éblouissent de la lumière qu’ils ont emprisonnée en eux et qu’ils ne parviennent pas à libérer. Quand d’autres leur dispensent toute la charge lumineuse dont ils disposent et bien plus : il en abonde sur eux constamment, eux ne trouvent pas la place de stocker indéfiniment une trop mince partielle de ce qu’ils paviennent à capter. Alors ils projettent, et l’on pourrait penser que leur pénombre à eux est une perpétuité.

C’est un peu comme cet homme tracteur dépeint par Steinbeck : il est là pour raser au rez-de-jardin, avec pour semonce l’ordre de ne pas penser. Il s’agit de dévaster pour permettre à nouveau la récolte. Une neuve fois, je ne suis fondamentalement pas contre cette déconstruction, mais je n’omets pas la vie tapie dessous que le tracteur ne prend pas en compte. Manque d’élasticité, manque de visibilité, manque de constructivité. Tout comme les défenseurs du nivellement par le bas, pour un ciel clôt que le commun des mortels pourra atteindre. Le seul commun est celui là-même qui ignore ou nie les possibles de l’entendement humain. Sa plus large faille est celle en travers de toutes les autres.

Travail à la traîne

Nouveaux immigrants débarqués ce soir.

Et peu après, le suivait son comparse… La centrifugeuse était déjà bien effective.

Avec surtout, ô mama del pais, surtout son compagnon de fortune, arrivés lundi, Le pacte autobiographique.


Oui, il y a des nuits telles que cette a nuit, ou ascète nuit, ou c’est à nuit, ou sept ennuis. Des nuits de contemplation, stérilisantes puisqu’il faudrait produire avant l’aube l’aspect natal d’un travail ventral. C’est une vraie réflexion sur la fin, comme s’il était impossible de dépasser un stade terminal. Voilà que je me sentirais presque pousser une volonté de transcender ces réincarnations incarcérantes. Faudra bien que je trépasse cet aspect terrestre de mes travaux à la fin Germain !

Presse le button

Il me semble qu’il va falloir que je te fichtrement snobe Gertrude puisque Peter t’a devancée… Il est arrivé après l’apéritif du midi semble-t-il, alors que je soufflais comme une asthmatique sur ma paire de gants multicolore, en scrutant le brouillard de mes fines oreilles à la recherche d’un bout de ferraille me secourant. Je l’ai découvert ce soir, tardivement : il parait propre, plaisant à la prise mais mesure un bon 400 pages en riquiquis caractères. Arghe. J’espère que nous serons bons amants : il le faut.


Wordpress, cet idiot : il semble couper les billets, les trancher dans le vif du cou. C’est un peu embuguant pour la fluidité de lecture, mais un mécanisme de sa voix d’automate me rappelle que je ne suis pas de celleux qui se redécouvrent une fois le post glissé dans la boîte. Dans la même logique, je crois comprendre que les messages surgissent aléatoirement sur la page, comme un jet de cartes magiques. Mais je me suis idiotisée en le traitant d’idiot : c’est un robot, il obéit. C’est donc forcément une faute en provenance d’un autre idiot, un idiot qui a configuré ce thème Wordpress. Mais je me fourvoie encore en faisant refléchir ma propre idiotie sur d’autres fronts : en toute objectivité, soit cet idiot ne l’a pas configuré ainsi mais bien de manière à ce qu’un ordre précis soit respecté (une priorité temporelle, thématique, alphabétique, que ne sais-je), soit il existe un paramètre laissé à son état de prime sauvagerie, et n’ayant ni investi, ni trébuché par hasard sur le dit-paramètre, j’en ai conséquemment convenu autrement.


Tout ça pour médire que, tant pis, tant mieux, qu’autant en emporte Wordpress au levant, au ponant. Qu’en fait je m’en fichtre ! de ne pas saisir le sens d’affichage des jets de buttons. Et que cette idée de chaos pourrait bien me causer cosy, si je finis par bien m’y retrouver dans ce désordre ordinaire.

« It’s all right, the camera is talking »

Magnifique, spectaculaire, culte de chaque seconde ! Hier soir sur Arte était retransmise une projection de Metropolis avec un accompagnement philarmonique censé s’attacher à la composition orchestré à l’époque de sa sortie originale, en 1927.

Jusque là, j’en avais seulement avalé des yeux quelques morceaux épars, lors de mes nombreux zappings au cours des années fuyantes. Quel choc fabuleux ! Non seulement je m’en suis littéralement tapée la cuisse tout du long de la diffusion (rétrospectivement, il y a quand même pas mal de matériel pour se fichtre! de la tronche des gus du truc) mais chaque seconde se constitue maîtresse de l’écran. Et Brigitte Helm, dios, qué voilà una chiquita qui vaut son pesos de dinars, spécialement lorsque là voilà traquée dans des catacombes, armée d’un châle et d’une bougie gothicônesque…

A ré-engloutir donc, avec assemblée amicale et apéros encatoire (parce que trois heures l’ovni quand même) !