Month: septembre, 2018

Le planning maternel

Et toi, tu t’y mets quand ? Jamais, in a million years, aurais-je pensé m’attaquer un jour à une telle lecture. Problème de titre et de couverture qui m’auraient fait moonwalker en vitesse accélérée si j’étais tombée dessus en librairie. Ai-je vraiment envie de lire sur la nécessité d’enfanter et l’injonction de ne pas se laisser aller à vieillir sans avoir apporté sa gamète à l’édifice ? Heureusement qu’une bonne âme voletant au-dessus de tout ça me l’a fourré dans les mains, car cet ouvrage, au titre alarmiste et pressurisant, est tout l’inverse de ce qu’il renvoie au premier abord : il traite en réalité de la question de la congélation des ovocytes, et du choix tardif de maternité qu’il n’est souvent pas donné aux femmes.

Eh oui, la congélation des ovocytes, (re)parlons-en ! Il y a quelques années, j’avais, lors d’un déjeuner professionnel, émis l’opinion selon laquelle l’idée de la congélation me séduisait. Lorsque l’on approche l’âge auquel les questions biologiques occupent les esprits et les conversations des soirées sociales et culturelles, me dire que je pourrais avoir un souci de moins à me faire au niveau de problématiques qui ne me touchent pas encore suffisamment, mais auxquelles je pourrais être sensible plus tard (trop tard ?), est à la fois rassurant et affranchissant.

Et c’est là l’objet principal du livre de Myriam Levain, 36 ans passés, journaliste parisienne et fondatrice de ChEEk Magazine, qui n’a pas trouvé soulier à son pied, n’est pas tout à fait prête à enfanter, dusse-t-elle se débrouiller seule, et voudrait simplement temporiser. Car la machine à vivre des femmes va toujours plus vite, à un rythme exponentiellement angoissant. Elle décide donc, après divers entretiens avec amis, contacts et professionnels de santé, d’entreprendre les démarches de congélation de ses ovocytes – démarche qui s’effectuera sur une longue année –, et brosse les portraits très divers des personnes suivant un parcours similaire, entre la France, l’Espagne ou la Belgique, où des cliniques spécialisées sont habituées à recevoir les Françaises et à les accompagner, en échange de quelques milliers d’euros. Levain fait également un petit état de l’actualité politique sur le sujet, et ouvre le débat dans le contexte de révision des lois bioéthiques (la PMA pour toutes était une promesse de campagne de Macron).

C’est un livre éclairé, compréhensible, didactique sur le sujet, car l’on suit pas à pas les étapes qui constituent ce parcours de la combattante : trouver un gynécologue « sympathisant » à la cause, qui pourra expliquer en détail, le plus compréhensible possible et être disponible tout du long, et permettre par un tour de passe-passe un remboursement partiel par la sécurité sociale des frais engendrés (notamment le traitement hormonal) ; les voyages à l’étranger, les examens réguliers, les procédures d’injection d’hormones (par des infirmiers et infirmières pouvant être disponibles à des heures incongrues, ou bien soi-même) ; le mal-être physique, puis l’opération-extraction, et l’éventuelle déception et recommencement en cas d’ovulation trop pauvre (car l’idée de l’injection d’hormones et de congélation des ovocytes est de produire plusieurs œufs sur un seul cycle, afin d’en congeler le plus possible et permettre divers essais le jour où l’on souhaite les utiliser).

C’est honnêtement assez fascinant, et Levain explique tout ça avec clarté, expérience et militantisme.

Cela change-t-il la Nature ? Transforme-t-il le rapport au corps ? Cela transforme surtout le rapport des femmes à leur corps, dont elles n’ont plus à être les esclaves : qu’il s’agisse de femmes pénalisées par leur manque de chance sentimentale, qui n’ont pas trouvé l’âme sœur à temps, un temps où la Nature était plus généreuse ; ou bien de femmes décidant sur le tard de leur désir d’enfant.