Month: novembre, 2012

Funny Fennec

In a city filled with good fennecs
Lived one little brat worth a heck
Eager to break his neck
Such a fennec was Little Selleck

But when his birthday came
He stopped all his bragging
And simply gave a damn:
The seasons were not aging

Little Selleck took a puff
And thought off-the-cuff:
Although he was no killer
He’ll massacre Winter

His goal was crystal clear
And all the world rejoiced
Trusting his inner poise:
Time will no more be feared

But frost from the past
Refused to be cast
Bursting from anger
Renewed was Winter

Pecked on the neck
By his lack of luck
It was snot that he wept
A fennec cold as a duck

Yet his luck not all packed up
For he wept so much snot
That raised from all that rot
An gross army walked up

Snotty fennecs blazed the freezer
Their victory spread like wildfire
Cool was their leader, as a cucumber:
Little Selleck arrested Winter

Bonus track:

It is a day of joy for what is at stakes
A lover of fresh beats, of hashish and steaks
Little Selleck was able to feast
Spring had come with a banquet at least

On a road filled with funny fennecs
He entered debates to fill in his stomach
Luckily he found two Aztecs
Such a hungry fennec was Little Selleck

La luminosité spéciale de l’épiderme

C’est une occurrence sans aucune précédence, même hasardeuse : je me suis penchée sur la rentrée littéraire, avec la volonté solide, et l’application molle, de passer en review quelques titres pour lesquels j’ai presque développé un strabisme en cette opulente période de production littéraire. Alors évidemment, au-delà des relais presse et média, je dois avouer ne pas avoir beaucoup tiré mon épingle critique du jeu. Sur ma to-approach-list, on retiendra le Pulitzer de Jennifer Egan, la prose de Linda Lê, quelques sorties de l’Olivier, le dernier Toni Morrison, un vague post-it pour l’œuvre de Julie Otsuka. On note une pensée de doute pour le Tigre, tigre ! de Margaux Fragoso, du doute apparu de la crainte, la crainte née de l’appréhension, gouvernée par le malaise du sujet. Enfin, il y a les éditions que l’on suit, et notamment les sorties automnales de Fabrique éditions, avec des prévisions d’achat soigneusement remises à plus tard.

Et puis Viviane Élisabeth Fauville, le premier de la pile à tomber dans mes bras.

Viviane Élisabeth Fauville, bourgeoise déchue de son état. Un bon salaire de cadre supérieure aux Bétons Birons, un mari, une enfant de 3 mois, un appartement hérité qui vaut quelques millions, la tête sur les épaules.

Sauf que son mari l’a quittée, l’héritage est conservé en état et inhabité, tandis que Viviane se balance dans son rocking-chair, au beau milieu d’un deux pièces vide et de cartons non déballés. Elle tente de se remémorer ce qu’elle a fait quatre ou cinq heures plus tôt : il lui semble bien avoir fait quelque chose qu’elle n’aurait pas dû. Mais quoi ?

Le lendemain, la mémoire lui revient soudainement. Le réveil affiche 5:03 du matin et Viviane se rappelle : hier, elle a tué son psychanalyste d’un coup de couteau bien planté.

Sur ce postulat de départ, nous voilà lancé dans une narration à suspense aux côtés de Viviane qui attend, l’esprit rongé, le couperet de la police. Mais l’esprit prend vite les traits jaunes de la maladie à l’idée de demeurer dans le flou, et Viviane se glisse peu à peu dans la chair d’une tueuse : elle ment, efface ses traces, fait le guet, guette les nouvelles du matin, retrouve les proches de la victime, goûte au danger que la proximité procure aux prédateurs joueurs, jouit à demi de sa fébrilité, et réalise faiblement qu’elle n’en demeure pas moins la victime du mépris et du dégoût du monde.

Julia Deck brosse le portrait d’une dérangée équilibrée, d’une mère, d’une femme, d’une fille qui sans se l’expliquer, voit, un beau jour, une inexorable angoisse naître. Cette montée de panique, qui la conduit à sa première consultation, se reproduit, encore et encore, sans que jamais aucune séance de psychanalyse n’en vienne à bout. Julia Deck multiplie les points de vue, dans une langue constellée d’ironie et d’une précision tranchante, pour nous faire appréhender les égarements d’un personnage qui s’élabore une destinée de toutes pièces. On passe du vous, au je, du elle, au nous. Le lecteur alterne entre le jeu et le spectacle, entre Viviane et Élisabeth, se projette selon un procédé d’omniscience presque mystique pour mieux rendre compte de l’égarement total dans lequel se déploie le personnage éponyme.

Ce balancement liminaire dans son rocking-chair, on le retrouve lors de son arrestation : alors qu’elle est arrêtée par la police et jetée dans une cellule comme un moyen de faire pression sur ses précédentes dissimulations, Viviane se balance, d’avant en arrière, sur sa banquette. Cellule préfigurant sa chambre d’hôpital, que le lecteur appréhende comme une chambre d’isolement, où la malade est entièrement laissée à elle-même et à ses folles bouffées. Un geste mécanique qui rassure, qui ramène au balancement de l’enfant contre le sein de la mère et du père.

Angoisse abyssale, qui la saisit comme une piqûre. L’angoisse sourde, qui isole : cette surdité, on la retrouve lors des déambulations de Viviane, qui traque les victimes de la victime, arpente les rues et le métro, de large en long, qui note méticuleusement tous ses déplacements. Sur la neige, ses pas silencieux ne la trahissent pas. Elle n’entend rien, rien lorsqu’elle regarde la neige dégringoler à travers la fenêtre, son monde est extérieur aux autres. Rien quand elle course son imagination dans la rue et que son nom résonne dans les couloirs de sa déportation intérieure. Tout est blanc, devant ses yeux, entre ses nerfs. Au centre de cette vision d’immaculation, il y a l’hôpital, la neige encore, les noms des deux femmes, Angèle et Gabrielle, qui émergent en archanges. Ou des héroïnes, comme les prénoms d’Héloïse et Viviane, ou le nom de famille de Pascal : Planche. Les hommes, eux, ne sont attribués que de simplicité : Julien, Pascal, Tony, Jean-Paul.

Alors forcément, on se demande si on extrapole. Ce nom, si obsédant, de Viviane Élisabeth Fauville. Peut-on le digérer comme une référence à la dame du lac, elle-même possédée de visions qui lui échappent, comme ce meurtre ? Et ce patronyme, Fauville, avec ses apparences de bête tapie dans la ville, de sauvagerie civilisée.

C’est un livre court, frappant, à la narration scotchante. D’une acuité placée sous les auspices de Beckett, et non sans rappeler les textes vifs de Camus. Sans nul doute une première œuvre brillante, qui invite à une immédiate relecture, à la lumière favorable du dénouement inattendu.