Je reprends un texte, livré d’antan, pour faire l’apologie de la démarche argentique. Il est en suite(s) et fin, ses propos sont animés par le feu et manquent de vision (notamment par rapport au dit onirisme).
J’exhume cette discussion, suite à une plus récente ayant trait aux liseuses, dont on peut aisément imaginer le parallèle, qui suivra dans de futurs posts à l’état encore embryonnaire.
Le synthétique n’égalera jamais l’argentique.
Et pour ce démontrer subjectivement, je noue mon bandeau autour de mon front et je remonte mes manches courtes.
Certes, le synthétique s’améliore. Il ne cesse de progresser, sa qualité fragmentée dérivant vers quelque chose s’apparentant à l’argentique, mais surtout, s’apparentant à notre vision. Le synthétique, c’est un découpage de tissus de vie.
Un jour, il y a un tailleur de boqueteaux qui surgit lors d’un déjeuner en famille sur une terrasse ombragée, et il coupe – clac – clac – dans votre déjeuner. Dix ans plus tard, il y a ce déjeuner sur votre écran et vous vous demandez s’il vous faudra patienter en pianotant votre clavier encore longtemps avant que le dessert n’arrive.
Non, le synthétique ne se conjugue pas à la qualité argentique, mais bien à notre vision oculaire (sic). Il est ainsi possible de contempler une photo en se méprenant tout naturellement sur sa réalité.
Mais rien à y scruter avec l’argentique qui est bien plus qu’un trivial calque translucide…
Dîtes-moi… Où se motte l’onirisme qui s’échappe des anciennes photos ? L’argentique et ses qualités propres, n’est pas remplacé et demeure irremplaçable. Le noir et blanc argentique est la couleur du passé : son pouvoir évocateur, le grain de la mémoire… Mais plus que cela, c’est l’intemporalité. Je fais du zèle et me permets de citer Baudelaire pour expliciter ma pensée : « l’art, c’est la représentation de l’éternel et le transitoire ». Et c’est ce qui fait que des photos argentiques N&B puissent se révéler œuvres d’art.
Et où est cette vieille aura qui ceignait, (dans une autrefois), la chevelure ondoyante de votre aïeul, 60 ans plus tard ? Pourquoi sa moustache était-elle impeccable ? Où étaient ses bourgeons/pustules/tâches ? Car l’argentique a ce pouvoir : il rend beau.
Vous me direz qu’on a du avoir ce débat quand la couleur est apparue, ou qu’à présent, la qualité orangée des vieux appareils est mourrue, gloire aux peaux fraîches. Mais le souci est bien là : si le N&B n’a pas disparu au surgissement tout en canon des couleurs, il a nettement régressé, et continue son repli contraint…
Mais de l’aura, il n’en est rien. Regardez-moi ces photos en noir et blanc et dites-moi qu’elles ne vous évoquent rien… Cela est du à notre siècle aussi, il est vrai. Les photos couleur numériques sont légion d’honneur chez nous. Le N&B devient une rareté qui attire forcément l’attention, comme toutes les vieilleries…
Mais les rayons de nostalgie qu’émettent les photographies ne sont pas vieux d’aujourd’hui.
Car la Photographie n’est pas seulement Picture Package et le référencement. Ce ne sont pas seulement trois-cent millions de petits pixels (et elle, et elle, et elle…) qui nous permettent de louper jusqu’aux chromosomes.
La photo, c’est un geste, mauvais sang ! Une démarche !
Le synthétique annule toute la réflexion préliminaire, l’acte de trouvaille de pelloche (une abré sur sa fin), se demander quelle pellicule prendre… Mon budget est limité (comme tout apprenti photographe qui se respecte, il doit être à l’indigence, à la pauvreté, à la dèche – et c’est avant tout un concept de vie très stimulant d’être décheux). L’acte d’achat est infiniment important, il y a une part de risque.
Une contrainte qui ajoute à la préciosité de ce qu’on tient entre les paumes, de l’acte de photographie. 24 poses et peut-être une de plus si je tire comme il faut… Peut-être 48 si je l’utilise deux fois…
Aucunes de ces démarches en synthétique. La photo n’a plus aucune espèce de valeur, elle est complètement affamée.
Pire : on peut effacer des photos (le comble…).
La seule façon de supprimer un cliché en argentique est de prendre un cutter.
Le synthétique n’est que du mime. Notez : argentique – argent, la couleur des premiers appareils et des plus répandus, comme si on espérait les rassembler, les faire rimer… Il faudrait être fou pour ne pas s’en aviser.
Il y a dématérialisation de la photographie. Plus de développement et nul besoin de parler de ces imprimantes câblées qu’on essaye de refourguer avec les synthoches.
Où est le trio légendaire, les trois bacs ?
Où est l’emblématique chambre noire ?
Ça existe un agrandisseur où je pourrais insérer ma carte mémoire ?
Tout ça du mime, tout comme les bruitages lorsqu’on appuie sur des gâchettes, devenues des éponges.
Pour finir, je ferai bien une petite comparaison avec le film, dans une petite citation toute mimi :
« Nous savons bien que la pellicule cinématographique est susceptible, dans un avenir plus ou moins rapproché, de disparaître sous la poussée des nouvelles technologies numériques.
Pourtant, cette mort annoncée est pour l’instant toujours reportée à une échéance indéfinie, la première raison étant qu’aucun autre support que la pellicule n’arrive encore à une telle définition de l’image, autant pour la prise de vue que la projection. »
S’il y a débat, il serait plutôt sur la technologie et tout ce qu’elle entraîne : on réalise au quotidien les gains qu’elle nous permet, et on oublie vite les pertes qu’on reconnaîtra un peu trop tardivement…
Parce que le numérique est le progrès, et l’argentique est notre histoire.