Month: juillet, 2022

Just Art

C’était l’été de la mort de Coltrane, l’été de l’amour et des émeutes, quand une rencontre fortuite à Brooklyn guida deux jeunes gens dans la vie de bohême, sur la voie de l’art.

Just Kids, c’est exactement ça. Dans ces mémoires publiées en 2010, Patti Smith prend la plume pour raconter sa vingtaine, son exit du New Jersey des années 1960, cette cambrousse qui l’a vue grandir, direction la Grosse Pomme, avec pour seul totem sa foi en l’art et la poésie.

Cette lecture m’a franchement fait un bien inouï : le même genre de bien que vous font les témoignages d’une époque révolue, où tout semble possible, où les personnages sont des figures hautes en couleur – portant, accessoirement, des noms croisés dans les livres d’histoire –, où la recherche de la pensée, de l’échange intellectuel, de la production artistique occupe le quotidien de jeunes débrouillards et affamés, où la vie collective revêt une forme d’évidence aujourd’hui inconcevable. Bref, c’est un concentré de nostalgie, qui vous laissera des bouts de révolution entre les incisives (allez, au moins jusqu’à dimanche).

Un tableau intitulé : « Le zbeul (ou la bohême) »

La relation qui lie Patti Smith, aspirante poétesse, à Robert Mapplethorpe, aspirant artiste, est telle qu’une fiction n’aurait pu mieux la deviser. Cette relation fascinante – entre interdépendance, confiance aveugle, soutien artistique absolu – voit, d’un côté, éclore l’esprit tranquillement rebelle de Smith, sa sociabilité malhabile, sa science politique et poétique ; de l’autre, et à l’insu de Smith, l’homosexualité de Mapplethorpe, son éclectisme et extrême mondanité, et bientôt son regard photographique qui se nourrit de tout cela.

J’ai fait un voyage délicieux d’une dizaine d’années, entre 1967 et 1979, dans un New York palpitant, de quartier en quartier, au rythme des musiques changeantes, des drogues naviguant autour d’une Patti Smith étonnamment sobre pour l’époque et le milieu, et j’en ressors avec un goût raffermi pour les témoignages littéraires (dans un genre parallèle, avec un point de vue qui a fait couler beaucoup d’encre : L’Autobiographie d’Alice B. Toklas de Gertrude Stein).