Pour un observateur lointain

Il ne s’agit pas d’aller chercher la vérité ou le salut dans ce qui est en deçà de la science ou de la conscience philosophique, ni de transporter tels quels dans notre philosophie des morceaux de mythologie ; mais, en présence de ces variantes d’humanité dont nous sommes si loin, d’acquérir le sens des problèmes théoriques et pratiques avec lesquels nos institutions sont confrontées, de redécouvrir le champ d’existence où elles sont nées et que leur long succès nous a fait oublier. La « puérilité » de l’Orient a quelque chose à nous apprendre, ne serait-ce que l’étroitesse de nos idées d’adultes.
(Citation de Maurice Merleau-Ponty)

Il m’aura fallu la coopération de mon ex-professeur de cinématographie pour pouvoir à mon aise, évoquer cette entrée en matière du livre éponyme.

Depuis quand dure ce couplet ? Depuis bien 30 ans, peut-être une cuillérée à sucre de moins. Est-elle toujours d’actualité ? La démarche de Burch, qui éleva (ou le retrancha) Merleau-Ponty au statut de fragment éclairant, m’a hautement troublée : pourrait-on connaître les mêmes initiations aventureuses aujourd’hui ? Presque non bien sûr… Je me souviens de ce même professeur me retraçant par la pensée, également affairé à creuser de la place pour un DVD de Esther Kahn, son excursion estivale de l’année 198X joint de son ami. En deux mois, ils avaient escaladé le relief américain, d’une côté à une autre pour trouver un jazzman en abord, pour essayer des vies ensuite. Et Burch en amont, de l’autre côté du Pacifique sur un archipel, Burch expérimentait le quotidien tant différent des films qu’il affectionne, pour s’en repartir garni de rites, de routine, de ritournelles culturelles afin de mieux saisir son sujet d’études.

Ainsi, il était fort fort lointain des variantes nihon, et la tendance dominante à théoriser de son ère, avec laquelle il souhaite trancher radicalement, l’ont catapulté au pays des takenoko afin d’en rentrer Robin des Bois et de partager avec ses pauvres nus. Car les textes, scientifiques, philosophiques nous ont fait omettre que tout ne se résout pas avec des mots : ils ont fait oublier aux institutions que pour extraire de la théorie, il faut effleurer un problème au concret, ne plus se cramponner au domaine des strictes idées. Des idées dans un corral, dont la barrière électrique freinerait la percée des mouvements de vie en son en-dehors…

Pas dans les textes, ni dans les pensées naïves (des opinions ?) et encore moins dans des narrations ancestrales dont il faudrait tirer des explications au monde vivant. Voilà pour le peu que je puisse pénétrer cette bribe, du moins de l’accès qu’il me permet. Et si j’affrontais le livre à présent ? Un peu polarisée par la biographie, sûrement m’y lancer avec filet bleu à paillettes après Noël, pour faire se coïncider les signes…

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