Vivre et mourir en Belle-Province

Paul à QuébecEn 2000, Paul est un jeune papa : il vit à Montréal avec Lucie, sa blonde, et Rose, leur petite fille. Paul à Québec est l’occasion de s’éloigner de la capitale et d’aller dans l’arrière-pays, rendre visite à sa belle-famille et son esprit communautaire, débonnaire, de camp de vacances. Oui mais voilà : Roland Beaulieu, son beau-père, est mal en point. Un cancer de la prostate le ronge et il est incurable. La famille toute entière se mobilise et accompagne les derniers mois de Roland.

Paul à Québec - changements urbains

Paul à Québec - crottes

C’est vrai que ce tome de Paul aurait pu s’appeler la Chanson de Rolland : après La Tendresse des pierres, un deuxième livre illustré sur les derniers jours d’un bon papa, me revoici dans le thème du deuil (décidément…). On y suit le quotidien de la petite famille de Paul, leur déménagement dans une maison de banlieue de Montréal, l’achat d’un chien, ainsi que les tribulations de la première connexion à un modem Internet (passage extrêmement drôle de ce tome !). Le tout rompu par quelques excursions chez les beaux-parents, avant que l’état physique de Roland ne devienne trop critique et qu’il faille l’installer dans une maison de fin de vie – un centre gratuit qui ne peut accueillir que dix personnes à la fois, dix personnes… en fin de vie.

Michel Rabagliati raconte cela avec beaucoup de délicatesse, de sensibilité, alternant un ton grave et léger, mais jamais mélodramatique, toujours plein de retenue. La langue est un vrai régal, et on a même le droit à quelques particularismes purement Québecois, made in Québec City. Car non, ces beaux-provinciaux ne prononcent pas tout pareil ! Et ils ne soupent pas pareil : à Québec, on met du beurre sur ses croutes de pizza. Pis ça cause Québec libre, han ouan.

Send Simonac !!!

Paul à Québec reste un livre où le portrait qui est fait des gens donne foi en l’humanité : tout n’est pas tout blanc, loin de là, les gens s’énervent (parfois les uns contre les autres), il leur arrive de rien n’avoir à se dire, d’alterner des moments intimes avec des moments d’éloignement… Mais au bout du compte, tout le monde s’unit face à la catastrophe imminente : tout le monde se rend disponible, aussi longtemps qu’il le faut, les trois filles finissent par installer des matelas au sol dans l’établissement pour rester aux côtés de leur père, une foule considérable se mobilise pour lui rendre visite avant l’issue fatale. La fin graphique, très lyrique, met l’accent sur le renouvellement dans le cycle de la vie, et on referme le livre avec un sentiment fort, l’impression qu’il y a de la compréhension dans l’acceptation. Une impression similaire à celle que j’avais eue lorsque j’étais sortie du cinéma, après avoir vu Vers l’autre rive cet hiver (que je continue de chaudement recommander).

Pour prolonger l’excursion dans l’univers feel good de Rabagliati, Paul à Québec a été adapté en film et est sorti dans les cinémas en septembre (le tiseur a cette douceur naïve et acidulée qui fait passer un bon moment sur son canapé, mais il faudra quand même reconnaître avec une once de médisance et une cuillerée de suffisance que son adaptation se gaufre un peu dans le sirupeux).

Paul à Québec - enfants et neige

Paul à Québec, de Michel Rabagliati, 2011 aux éditions de La Pastèque.

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