Petite fille « tombée du ruisseau », Alice Prin avait tout pour bien commencer dans la vie : une mère accouchant cuitée, un père absent, un parrain semi-contrebandier qui la fait danser et chanter dans des tavernes alors qu’elle fait encore l’école buissonnière. Arrivée adolescente à Paris, son indomptable caractère se fait renvoyer de plusieurs établissements, avant de l’amener à faire ses premières poses de modèle nue chez des artistes de Montparnasse. Ni d’une, ni de deux, voici ses opulentes courbes parties faire le tour des ateliers, tandis que sa verve, sa bonne humeur et sa liberté en font bientôt la muse et la mascotte des Montparnos.
Quelle vivacité, quel dynamisme ! Grâce aux passionnants et vifs dialogues de Bocquet, la bd suit un rythme effréné, rythme que le trait de Catel entraîne avec aisance et pétulance. Quelle plus merveilleuse façon de faire reprendre vie à de telles figures, que par le biais d’un dessin si vif et astucieux ? Entre 1916 et 1930, Kiki incarne la vie, dans un univers habité par des êtres aspirant à incarner l’art, dans leur conversation, leur mode d’existence, leurs choix de vie. Parfois futile et superficielle, inconstante et caractérielle, cette provinciale libérée offre une vraie vitrine pour ces hommes vivant souvent en reclus, croyant dominer dans des sphères intellectuelles. Elle rappelle que sans la vie, ils ne sont rien et mate tous ceux qui la confondent avec une putain (notamment dans le sud, où l’on ne fait pas la différence entre une morue et une Marie-couche-toi-là… La province, ces arriérés !). De Paris à la Riviera, en passant par New-York, Kiki sera de toutes les fêtes, jusqu’à son déclin.
En passant, on apprendra quelques petites choses sur cette icône et ses comparses : qu’elle a vécu une dizaine d’années avec Man Ray (quand même), qu’elle montrait ses fesses à tout bout de champ, qu’elle savait se tailler les sourcils comme personne, ou encore qu’elle était bien accroc à la coco, dont je découvre un nouveau sobriquet : le « çakébon ».
Man et Kiki causent de faire un livre olé-olé ensemble…
Man Ray a finalement bien publié les photos gros plan prises de ses ébats avec Kiki (dit comme ça, c’est très grivois).
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