René se gosce

Après les fêtes, alors que j’avais été bien gâtée en livres imagés, je me suis fait plaisir et ai fait l’acquisition du dernier opus des biographiques de Catel, Le Roman des Goscinny, opportunément sous-titré « Naissance d’un Gaulois ».

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Catel fut approchée il y a quelques années par Anne Goscinny, la fille unique de René Goscinny, qui souhaitait plus que tout que la dessinatrice entreprenne de raconter la vie de son père, grand scénariste et auteur de bandes dessinées, qui marqua les années 1950, 1960 et 1970. Elle n’est que tièdement attirée par le projet, tout occupée qu’elle est à se concentrer sur le récit de vies de femmes, ses projets en cours ayant trait à Colette, Nico ou Alice Guy. Sans que l’explication soit donnée, outre le fait que Catel apprécie le travail d’Anne G., la bédéiste s’attaque finalement à rapporter la vie de René depuis sa naissance et son enfance en Argentine, sa jeunesse aux États-Unis et sa vie adulte en France, avec une longue première partie n’ayant aucunement trait au dessin, et la seconde partie de sa vie ne tournant qu’autour de ça.

Le livre est construit selon un système de narration binaire : un chapitre sur deux opte pour la voix de René Goscinny, reconstruite par Catel à partir d’entretiens, de lettres et d’ouvrages ; la seconde partie consiste à donner voix à sa fille, Anne, qui se prélasse dans sa maison en commentant les différentes périodes de la vie de son père. Le livre alterne les deux narrations, chacune ayant une couleur dédiée et introduite par le nom du Goscinny qui prend la parole, dans une volonté vraiment très didactique qui m’a fait me demander si j’étais réellement le public cible…

Plusieurs choses m’ont gênée : je dois reconnaître que beaucoup de temps est passé sur ses débuts dans la publicité, sur ses premiers contacts aux États-Unis, avec des dessinateurs qui vont changer sa vie et donner beaucoup de matière à sa vocation, et beaucoup de chair professionnelle en le mettant en relation avec des personnes d’influence. Mais outre Lucky Luke, dont il scénarisera beaucoup d’épisodes et qu’il contribuera à relancer, on ne saura pas grand-chose des séries plus tardives auxquelles il devra sa postérité. On pourrait arguer que c’est justement tous les pans inconnus de sa vie qui sont intéressants, le reste pouvant être déniché ailleurs, mais pour une bande dessinée aussi longue, j’aurais préféré un peu plus d’équilibre, plutôt que d’arrêter le récit quasiment à la naissance de sa fille, et de rapporter trois planches sur l’invention dudit Gaulois, quand bien même le titre fait aussi référence à l’invention, l’appropriation de Goscinny en tant que Français.

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La bande dessinée souffre aussi de quelques répétitions : on est martelé tout du long sur le sens de l’humour de René Goscinny et sa vocation de clown social. Il me faut admettre que j’ai un peu fini par fatiguer de ce ressort. Enfin, la bande dessinée s’ouvre sur un épisode de la vie d’Anne Goscinny, en visite chez le cardiologue de son père, qui n’a pas pu lui sauver la vie lors d’une attaque qui lui fut fatale. Anne avait 14 ans. Plus tard, elle décide de confronter le praticien et de le menacer de mort dans son cabinet. On pense qu’un usage va être fait de cette histoire, et puisque la bd fait référence « aux Goscinny », que la vie d’Anne va nous intéresser également, l’histoire de ce deuil dans la construction de sa vie, de sa famille, de son œuvre littéraire. Or c’est à peine survolé, et Anne n’est vraiment là que pour aiguillonner sur la vie de son père, et proposer à la dessinatrice quelques clichés familiaux idylliques, où les époux rentrent le soir, fous d’amour, et où les enfants baignent littéralement dans le bonheur.

En bref, pleins de choses intéressantes sur la vie de René Goscinny, mais un ouvrage qui finit par tomber dans du bavardage de remplissage, et dont la trame narrative, un tantinet ronflante, a des parfums de facilité. Le pavé, de près de 400 pages, se lit néanmoins très vite et sera, pour qui aime en savoir plus sur les coulisses de la bd, une lecture tout à fait honnête.

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