Grande heure, petites cadences

J’ai lu Ethan Frome il y a presque une décennie et n’en garde qu’un souvenir très vague en terme d’écriture : seul le déroulement tragique reste gravé dans ma mémoire, peut-être parce que cette histoire courte fait maintenant partie du panthéon américain. Et de fait, Wharton est une écrivaine de renom, ayant durablement marqué le XXe siècle. Parmi toutes ses œuvres qui prennent la poussière sur mes étagères, j’ai donc décidé de me tourner vers Chez les heureux du monde (The House of Mirth, en vo), dont l’intrigue faisait vaguement écho à un scabreux Zola (oui, L’Assommoir, c’est à toi que je m’adresse).

The House of Mirth (Scorcese)

En quelques mots : Lili Bart, orpheline de son état, provenant d’une famille respectable ayant fait faillite (avant que les deux géniteurs meurent de maladie et de honte d’être devenus des nécessiteux), décide de prendre son destin en mains et se fait une place dans la société. Mais son goût de l’argent, du confort et, surtout, son extrême vanité, trompent son jugement et l’entraînent de situations un peu inconvenantes en situations très inconvenantes. Le tout sans qu’elle ne s’en aperçoive, car Lili a le don de se persuader elle-même du bien-fondé de ses actes. Hélas, la société la juge, ses amis l’abandonnent petit à petit ; elle est progressivement réduite à un état de pauvreté qui ne pourra avoir d’autre dénouement que tragique.

The House of Mirth Wharton

Un pavé qui m’a laissée mitigée : Edith Wharton est extrêmement douée pour aligner des pages et des pages d’incursion dans la psychologie de ses personnages. Leurs réflexions et inflexions sont parfaitement bien retranscrites, développées et analysées, particulièrement le tempérament tourmenté et accommodant de l’héroïne. Mais bien qu’il se lise très aisément, il y a aussi eu des longueurs (notamment dans les réflexions qui se sont répétées et trop étalées sur l’action) : beaucoup d’atermoiements m’ont fait songer que le roman avait peut-être paru sous la forme du feuilleton et que l’action s’en trouvait distendue à cette fin. Même impression que m’avait fait l’une de ses contemporaines européennes, Elisabeth Gaskell, à la lecture de Nord et Sud, un parallèle peut-être porté par les couvertures jumelles (N&S a été rhabillé depuis, bien vu Points). Le tableau des mœurs changeantes est néanmoins très bien dressé, en cette fin de siècle approchante et cette New York moins aux prises des traditions poussiéreuses que la vieille Europe, qui continue pourtant d’exercer un attrait irrésistible sur ces Américains en manque de racines (… pourvu que Brad soit très occupé par la matérialisation) : Edith, je ne t’abandonne donc pas, et malgré un sentiment partagé, je réitérerai l’essai.

Chez les heureux du monde

Chez les heureux du monde, d’Edith Wharton, se passe à New-York (et sur la côte) au XIXe siècle. Publié pour la première fois en 1905 (ne vous fiez pas à la fiche française Wikipipodia, l’action se déroule dans les années 1890). Édition du Livre de poche.

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