Il est 17h dans la métropole

On a beau penser, s’élever, se tourmenter, brandir au loin toute idée de nature, certains témoignages forcent le respect dans son sens contraire. Chassez gentiment le naturel, il revient en rampant. Sournoisement ou non, il est constamment là quand on ne s’en aperçoit pas. Il est tapi. On pense avoir progressé, avoir poussé sur le côté les tares et les défauts desquels on cherche à s’émanciper, mais rien à défaire. On se trouve à commettre les mêmes impairs, toujours sans discontinuer, toujours les mêmes reproches à épousseter, toujours les mêmes discours à posteriori. Toujours les mêmes déceptions. Peut-on se protéger contre soi-même ? Il semble que même lorsqu’on y parvient, lorsqu’on effleure la possibilité de se savoir en contrôle, ce n’est pas encore assez puisque entre les mailles de la conscience, passe tout ce qu’on pensait avoir cessé. Comme si la conscience, putride, effaçait par commodité ce qui pourrait freiner de futurs écueils. Comme si la conscience était à la foi gardienne d’une joie de vivre allant de paire obligatoire avec l’oubli, comme si la conscience savait que cohabiter avec mes souvenirs serait trop lourd. Elle choisit avec précaution les bêtes noires et les blanchit. Les bêtes sont là, sauf qu’invisibles. De là survient l’impression factice de progrès ; mais les bêtes noires n’ont été teintes qu’au sein de mon propre bastion ; alors, comme de forcément, le mat brise et pulvérise les échardes aux alentours. Ne pas être soi-même, impossible de pouvoir se comporter comme on l’entend, qu’est-ce que cela signifie ? Qu’il y a une vraie part de soi agissant d’elle-même sous substance, et que si elle est inévitable, c’est qu’elle est bien elle-même ? Ou bien y a-t-il quelque chose d’autre qui n’est pas soi-même et qui prend le relai lorsque la conscience lâche ? Est-ce bien la conscience qui lâche et qui cède le terrain à quelque chose d’inconnu, ou bien est-ce moi inacceptable que la conscience éponge et dissimule après coup ?

L’oubli, la mémoire, les trous noirs. L’autre moi, l’inconnu, la ramasse. Il faut faire la paix pour quelque chose de ni vu, de ni entendu, de non ressenti et implacablement associé à soi, entièrement incarné, et comment pourrait-ce être autrement ? Il est dit qu’on est unique, même à plusieurs et qu’il faut tous se réunir sous une bannière une. Sauf que frustration et rancœur, iniquité, défiance, tout s’adjoint et se carapate sous des dehors de fuite.

Douce solitude indésirable, incomfortable amie qui ne se froisse pas de sa fonction de ricochet : tout part de toi et tout te revient. C’en est décourageant, vraiment. Vrai-ment : ah, mots qu’il faudrait s’abstenir de décomposer, leur sens finit par se gangréner et nous chuchoter des faussetés venant de nous. Fustre !

Leave a Reply