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L’Europe en exil

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Janet Frame était l’un de mes objectifs de l’année 2017, soit des lectures sur le thème de la Nouvelle-Zélande, cette terre qui me fait rêver depuis des années. Ayant finalement entamé le premier tome de son autobiographie, Un ange à ma table, qui fut portée à l’écran en 1990 par la formidable Jane Campion, je m’empresse de rendre hommage à cette nouvelle année avec cet aperçu insulaire.

L’histoire de Janet Frame est un peu dramatique : elle est célèbre avant toute chose, comme Katherine Mansfield, pour être originaire de Nouvelle-Zélande, mais également pour avoir été « profondément marquée par la mort de deux de ses sœurs par noyade à dix ans d’écart. Très introvertie, elle est diagnostiquée schizophrène en 1945. Internée huit ans en hôpital psychiatrique où elle subit quelque deux cents électrochocs, notamment au Sunnyside Hospital de Christchurch, elle réussit tout de même à écrire. »

Ce premier tome de 230 pages porte sur les 16 premières années de sa vie, entre la petite ville de Wyndham et la cité balnéaire d’Oamaru (dont l’industrialisation effraie les membres de la famille Frame lorsqu’ils y déménagent : pour un petit choc sympathique des civilisations, je vous propose de taper « Oamaru, NZ » sur Google et de juger par vous-même de ce degré effrayant d’industrialisation). Je dois avouer que les villages et les villes par lesquelles Janet (Jean) Frame a transité dans son enfance et son adolescence font office d’aires dépeuplées et ne sont pas aussi attrayantes que les paysages des brochures auxquels on est habitué lorsqu’on s’imagine la Terre du Milieu et le reste du pays annexant le Comté.

Retour à cette autobiographie : la quatrième de couverture promet quelques révélations qui n’auront donc pas lieu dans ce premier tome, puisque le traitement que subit l’auteure n’est pas le moins du monde abordé. Il s’agit de parcourir avec elle une bonne dizaine d’années qui la voit accumuler des bêtises d’enfant, mener une vie presque idyllique à la campagne, au sein d’une famille peu fortunée, jusqu’à ses débuts d’écolière qui se prend de passion pour les études et la poésie.

jane-campion-toutes-les-janetLes Janet de l’adaptation de Jane Campion

Force est de s’apercevoir qu’après deux cent pages, on ne sait finalement pas grand chose de l’auteure / la narratrice. Son excellente mémoire dépeint dans les détails ses mésaventures enfantines et adolescentes, mais l’introspection s’arrête là où la psychanalyse pourrait prendre le relai : deuxième fille d’une famille de cinq enfants, des drames touchent pourtant ce pauvre foyer. Son frère aîné, unique garçon de la fratrie, se découvre épileptique à l’adolescence, maladie encore incomprise à l’époque, le rendant inapte au travail, l’amitié, les jeux, et le menant à l’alcool et aux jeux d’argent. Premier drame incompréhensible puisque impossible à résoudre à l’aide de coups de ceinture ou de douceurs maternelles, la maladie de Bruddie demeure planante et tabou. Tabou dans ce premier tome sera également le décès de sa sœur aînée, Myrtle, à l’âge de 15 ans, qui s’évanouit lors d’une banale baignade. Janet Frame rapporte l’événement en quelques pages, puis n’y fait plus trop référence, comme si la vie se poursuivait sans grande altération. De fil en aiguilles, on comprend pourtant que sa « poésie » se développe largement en réaction à cette mort inattendue et que la famille se replie peu à peu sur elle-même. Je n’ai pas trouvé exactement ce que je cherchais dans ce récit qui retrace ce début d’existence, de 1924 jusque la Seconde Guerre Mondiale. Malgré un début fastidieux, qui annonce une narration s’épanchant sur le quotidien dans son menu détail, j’ai pris beaucoup de plaisir à voir défiler les saisons dans ces petites maisons surpeuplées de Frames, encerclées de collines, de rivières, de chats, de vaches, d’animaux et de plantes en tout genre dont la majorité m’était inconnue. Néanmoins, à l’exception de la mention régulière des Maoris et des noms de lieux portant cette marque d’exotisme, je m’attendais (ignorante que j’étais) à plus de dépaysement, et certains chapitres auraient parfaitement trouvé leur place dans une autobiographie européenne. Ce premier volume s’interrompt avant le dénouement de la Seconde Guerre Mondiale, et Wikipedia promet déjà des rebondissements dramatiques dès le second tome, on peut donc me compter parmi les lectrices atteintes du syndrome Closer, animée par la curiosité de la déchéance mentale de l’auteure.

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