La querelle des Antiques et des Modernes

C’est le nom que donne la bonne bourgeoisie au salon tenu par le duc d’Esgrignon, l’une des familles nobles les plus anciennes et les plus respectées de province. Nobles oui, mais dont l’influence et la richesse ne sont plus depuis la Révolution. Ni l’Empire, ni la Restauration n’ont permis à cette vieille famille de retrouver sa lumière d’antan, et ce n’est que par l’habileté d’un vieux serviteur devenu un adroit notaire, Chesnel, qui conserve une loyauté (qui tient à la féodale servilité) que les derniers survivants (le duc, sa sœur et son fils orphelin d’une mère morte en couches) subsistent dans une maison de ville. Et si les habitants environnant les respectent, force est de constater que cette famille de noble vit toujours comme au XVe siècle, dédaignant les arrivistes, croyant toujours en le secours royal. Niant au siècle sa modernité et la réalité de ses nouvelles politiques, c’est une vieille race vouée à dépérir silencieusement.

C’est une formidable chronique de temps changés, en train de changer, et des caractères qui s’entêtent encore de les nier. Leur cas n’est pas tout à fait désespéré, les institutions sont en cours de bâtissage ; mais sauront-ils sauter dans le train de la modernité avant qu’il soit trop tard ?

Un livre relativement court, facile, contant la déchéance de la noblesse, spoliée par la Révolution, par Bonaparte, puis oubliée lors de la Restauration. Vieille noblesse de province ayant perdu la majorité de ses biens et qui vit dans l’attente d’être rappelée par le roi. C’est aussi l’histoire d’une vengeance de la bourgeoisie, plus riche, mais dans l’attente que la noblesse reconnaisse sa valeur et s’allie à elle. Attente bien entendu déçue, car on n’efface pas si vite des siècles et des siècles de préjugés et de domination… Du Croisier a un quelque chose de du Bousquier, avec une volonté de vengeance pure, dénuée de l’envie de s’enrichir jusqu’au bout.

Cette œuvre fait référence à beaucoup d’autres : La Vieille Fille, Le Père Goriot, Beatrix, Le Secret de la Princesse Cadignan. On y croise Rastignac, De Marsay, et l’éponyme Princesse Cadignan qui n’est pas encore tout à fait princesse. Enfin, que dire de ce formidable Chesnel ! Un magnifique portrait balzacien, à l’instar du Colonel Chabert, de Vautrin (Le Père Goriot, Les Illusions perdues) ou du Chevalier de Valois dans La Vieille Fille.

« Previous post

Leave a Reply