
Cela fait cinq générations que la famille Tulliver vit au moulin de Dorlcote, leur foyer et leur source de revenus. Tom et Maggie, les enfants Tulliver aux tempéraments diamétralement opposés, se vouent une affection quasi indéfectible. La nature est pourtant allée à l’inverse des attentes sociales, en faisant de Tom un garçon courageux et fier, mais aux capacités intellectuelles limitées, et de Maggie une jeune pousse vive emportée, dont l’intelligence et la sensibilité dépasseront bien vite celui des adultes. Dans la petite société bourgeoise et commerciale de Saint-Ogg, l’équilibre de la famille Tulliver s’effondre bientôt avec la faillite du moulin. Les querelles des pères s’impriment durablement sur les rapports de leurs enfants, entre qui ces nouvelles vicissitudes sèment la discorde.
J’ai dévoré ce roman de George Eliot ! Un roman de la trempe réaliste, entre un début pastoral, une suite à la Dickens, puis un dernier tiers à la Jane Austen, avant un dénouement plutôt romantique ou théâtral, selon le point de vue. J’ai passé des moments véritablement délicieux en compagnie de Maggie et ai beaucoup pris son parti contre son frère Tom. Difficile de ne pas la rapprocher d’un personnage emporté et si sympathique à la Anne Shirley (Anne of Green Gables), de l’effronterie (certes moins sauvage) d’une jeune Jane Eyre, enfin de tout personnage enfantin infiniment malin. Après une situation presque édénique, George Eliot nous fait pénétrer une existence accablante, où la famille Tulliver perd de ses forces en même temps que de son statut social, statut qu’elle ne retrouvera jamais tout à fait, quand bien même certains torts seront réparés. Les parents sont déchus, les enfants grandissent, s’affirment et deviennent durs à leur égard. Cette classe moyenne supérieure nous est décrite avec des détails auxquels Jane Austen n’a pu faire appel : et pour cause, la révolution industrielle n’avait pas eu cours. Nul doute que le portrait du commerce et des rapports sociaux des nouveaux riches par George Eliot l’aurait singulièrement intéressée.
Je ne sais malheureusement pas mieux vous vendre ce livre qui m’a plu de bout en bout. Lisez-le et puis c’est tout !
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