Le temps départi

Tout se désagrège, tout s’éparpille.

D’instants partagés et transposés d’un temps à un espace, que reste-t-il ? Où se sont-ils dilapidés eux-mêmes ? Vers où se dirige un souvenir lorsqu’il a achevé son actance ? Quand le souvenir n’agit plus mais devient un objet spacieux non identifié, comment fait-on pour se le retrouver, comment fait-on pour le chasser si l’on ne connait pas l’horizon de sa fuite ? Comment pourrait-on l’empoigner si ses contours se dégradent à mesure qu’il s’éloigne ?

Certains souvenirs se font étrangement nullités non pas par la trame du temps qui s’écrit, mais sont annulés par le sens qu’ils ont regrettablement perdu après coup, quand ils ont été tenus au silence par les circonstances. Tristes souvenirs évaporés, ceux-là sont enfouis sous des couches d’indifférence, d’occupation, de rejet. Ils resurgiront peut-être mieux quand le temps aura tracé son sillon.

Et le reste, les belles images, les mots rieurs, les tambours battants, ceux que l’on veut retenir, fort, vite, ils nous échappent peu à peu eux aussi, douce et intrépide déliquescence. Il est douloureux parfois de se retourner, de s’arrêter un instant pour jeter un œil mendiant en arrière : c’est souvent en espérant que l’avant lui ressemblera, alors qu’en tout il en diffèrera.

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